KONGOLISOLO
Actualité

Devoir de mémoire : De la Jamaïque à New York, (ascension du roi Nègre de Harlem), c’est dans un univers marqué par des luttes (économiques, politiques et sociales sur fond de tensions raciales), que Marcus Garvey est né en 1887 à Saint Ann’s Bay, au nord de la Jamaïque; « Adolescent, Garvey fait son apprentissage à Kingston dans l’imprimerie de son parrain, avant de publier ses premiers journaux dans les années 1900 »

Engagé dans des cercles de lecture anticolonialistes, il est licencié pour avoir organisé des piquets de grève. Il décide de voyager au Venezuela, en Colombie et en Equateur, puis de traverser l’Amérique centrale, créant au passage le journal (La Prensa au Panama et La Nacionale au Costa Rica). Ce parcours initiatique lui fait prendre conscience que le sort des travailleurs jamaïcains est partagé par de nombreux autres peuples.

En 1912, Garvey effectue un second voyage initiatique en Europe. Garvey visite également une partie du Vieux Continent (Paris, Madrid; Etc), où il est régulièrement pris pour un roi Africain, ce qui ne manque pas de flatter son ego. Il tente à Londres d’accéder à la mobilité sociale tout en s’intéressant aux questions politiques, notamment au nationalisme irlandais, mais c’est à Londres qu’il développe ses capacités de communication. Jeune, mais expérimenté rédacteur prolifique, il rejoint l’équipe de journalistes égyptiens d’origine soudanaise Dusé Mohamed Ali, qui fonde (The African Times & Orient Review en 1912). Cette expérience lui permet d’établir des contacts dans tout le monde colonial. C’est également à cette époque qu’il se forme au nationalisme Noir en parcourant l’autobiographie de Booker T. Washington, Up from Slavery, et l’essai écrit par l’activiste nationaliste de la Gold Coast Joseph Casely-Hayford, Ethiopia Unbound.

En 1914, Garvey décide de retourner en Jamaïque. En compagnie de celle qui allait devenir sa première épouse et sa collaboratrice, Amy Ashwood Garvey, il fonde en juillet l’Universal Negro Improvement and Conservation Association et l’African Communities League, organisations qui seront refondées à l’été 1917 à New York connu alors dans l’histoire sous l’acronyme UNIA. Se réclamant universelle, comme son nom l’indique, l’UNIA est née dans un contexte particulier. Dans les années 1910, la détérioration des conditions économiques et raciales dans le sud des États-Unis et les besoins industriels dans les centres urbains ont conduit à une (grande migration) de Noirs vers le nord et l’ouest.

Les travailleurs antillais mobilisés pour la construction du canal de Panama sont également nombreux à rejoindre les villes nord-américaines. La baisse des flux migratoires en provenance d’Europe pendant la Première Guerre mondiale incite les employeurs à se tourner vers les travailleurs noirs, embauchés dans les usines (armement, automobile, sidérurgie), les chantiers (chemins de fer, chantiers navals, bâtiment) et les services de base. Les salaires au Nord sont faibles, mais plus conséquents et réguliers que les revenus liés à l’agriculture au Sud. Partis les premiers, les hommes amènent ensuite leurs familles et encouragent leurs amis restés dans le Sud à les rejoindre. Fuyant les lynchages et la ségrégation du Sud, les Noirs ne sont pas toujours les bienvenus au Nord. Sur le marché du travail, leur arrivée inquiète les travailleurs blancs regroupés au sein de la Fédération américaine du travail (American Federation of Labour, AFL).

Alors que les patrons utilisent les Noirs pour faire baisser les salaires et briser les grèves, les syndicats blancs ne veulent pas défendre les travailleurs noirs. Sur le marché du logement, les politiques publiques et la spéculation immobilière privée favorisent la formation de ghettos ethniques. C’est parmi les 100 000 à 150 000 Noirs vivant dans le plus célèbre des quartiers afro-américains, Harlem, entre les 125e et 145e rues du nord de Manhattan, à New York, que Garvey a décidé de faire revivre UNIA. en 1917. Initialement, la venue de Garvey aux États-Unis était motivée par son souhait de rencontrer Booker T. Washington et de demander son avis sur la création d’une école à Kingston comparable à l’Institut Tuskegee. Booker T. Washington meurt prématurément le 14 novembre 1915. En mars 1916, Garvey s’embarque néanmoins pour New York et s’installe à Harlem. Déçu par l’absence de Du Bois, qu’il avait invité à sa première conférence donnée en mai 1916, Garvey perd ses illusions sur l’intellectuel afro-américain lorsqu’il constate la présence de nombreux Blancs dans les locaux de la NAACP situés sur la 5e avenue.

Au cours de l’été 1916, Garvey est allé à l’Institut Tuskegee en Alabama. Déçu cette fois par l’accueil de Robert Moton, successeur de Booker T. Washington, il entame un voyage de six mois dans une quarantaine d’États, dont ceux du sud des États-Unis. Au péril de sa vie, il y découvre la ségrégation, la violence et la terreur symbolisées par ces (arbres aux fruits étranges). Garvey rencontre également des communautés noires essayant de survivre en se recroquevillant ou en rêvant d’une terre promise. Intervenant dans les églises, il a construit, grâce à ses talents d’orateur, un large réseau de sympathisants et recrute des militants.

À son retour à Harlem, Garvey s’installe à l’angle de la 135e rue et de Lenox Avenue. C’est là que, perché sur son tabouret, il prend l’habitude de haranguer la foule qui se presse, de plus en plus nombreuse, pour écouter ses discours enflammés. Partageant la scène du militantisme radical noir avec le journaliste Hubert Henry Harrison et la syndicaliste Asa Philip Randolph, Garvey et l’UNIA rivalisent avec Du Bois et la NAACP dans l’analyse de l’actualité afro-américaine et internationale : l’occupation américaine d’Haïti (1915), la Première Guerre mondiale, la Révolution russe, le retour d’Europe du régiment Noir new-yorkais des Harlem Hellfighters ou la recrudescence des lynchages et des émeutes raciales de l’été 1919.

Jamaïque

Articles similaires

Laisser un Commentaire