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L’Union Ghana-Guinée défie la Communauté française : le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958 recentre le débat sur les relations avec la métropole; dans le cadre de l’instauration de la Ve République, le régime gaulliste propose aux colonies Africaines de remplacer l’Union française; « Démantelant les groupements régionaux, l’AOF et l’AEF, cette nouvelle structure donnerait à chaque État une plus grande autonomie pour gérer ses affaires intérieures, tout en maintenant sous la tutelle de Paris en ce qui concerne les éléments de souveraineté (défense, politique étrangère, économie et politique monétaire), le projet communautaire est débattu au sein d’un nouveau groupe, le Parti du regroupement Africain (PRA) »

En juillet 1958 à Cotonou, en présence de plus de 500 délégués, dont George Padmore pour le Ghana et Frantz Fanon pour l’Algérie, la PRA réclame l’indépendance immédiate et la négociation avec la France d’une confédération multinationale des peuples libres et égaux, sans renoncer au désir fédérer toutes les anciennes colonies aux États-Unis d’Afrique). « En août, le général de Gaulle passe par l’AOF et l’AEF pour défendre son projet communautaire, draient immédiatement leur indépendance, à leurs risques et périls) ».

Le 25 août à Conakry, il a été pris à froid par le maire de la ville et président du Conseil de gouvernement Sékou Touré. Ce dernier dénonce dans son discours (le désordre moral dû au fait colonial), puis soutient que dignité et liberté sont intégralement liées de telle sorte que le peuple guinéen préfère « La pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ». Estimant que la France ne marche pas dans le sens de l’histoire en décidant d’intensifier son effort de guerre en Algérie, mais que le projet communautaire est intéressant dans le contexte de l’implantation des grands ensembles géopolitiques dans le monde, Sékou Touré insiste : Nous ne renonçons pas et ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à l’indépendance. Lors du référendum organisé le 28 septembre 1958, la Guinée est le seul territoire à voter (Non). Et a obtenu son indépendance 4 jours plus tard. Craignant que l’exemple guinéen ne fasse des émules, Paris lance des représailles économiques contre Conakry. Les dirigeants comprennent surtout que, sans renoncer à la Communauté, ils devront négocier rapidement l’accès à l’indépendance des autres territoires.

Ces négociations leur semblaient d’autant plus urgentes que Sékou Touré se rapprocha aussitôt de Nkrumah, avec qui il signa l’Union Ghana-Guinée le 23 novembre 1958. Le dirigeant guinéen, qui n’avait pas envisagé de rompre aussi brutalement avec la France et qui n’envisageait pas de représailles mesures de Paris, sait que la situation l’oblige à aller de l’avant. Alors qu’il conçoit l’unité africaine comme un projet par étapes, à commencer (au niveau de l’Afrique de la culture française), il accepte la main tendue de Nkrumah. (Notre liberté perdrait sa plus grande signification si nous devions la restreindre aux limites étroites de notre pays), a-t-il déclaré Nkrumah, qui cherche à unir au plus vite tous les États Africains indépendants, prend l’initiative de soutenir la candidature de la Guinée à l’ONU et de jouer l’article 2 de la Constitution ghanéenne qui autorise le pays à renoncer à sa souveraineté dans le cadre de la mise en place de une union avec un autre État. Réciproquement, la Guinée inscrit dans l’article 34 de sa Constitution du 10 novembre 1958, qu’elle (peut conclure avec tout Etat africain des accords d’association ou de communauté, y compris l’abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l’Unité Africaine). Le 23, l’annonce de l’union entre les deux États a été suivie d’un prêt de 10 millions de livres sterling d’Accra à Conakry.

Malgré les différences liées à leur ancienne appartenance à deux zones de colonisation culturelle et monétaire différentes et leur différence d’organisation étatique et administrative, Accra et Conakry décident d’échanger des ministres résidents qui sont tous deux membres du gouvernement du Ghana et de la Guinée. Unis par l’anticolonialisme, les deux dirigeants ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’onde : si Nkrumah a longtemps médité sur son projet d’unité Africaine, c’est avant tout en raison de la situation immédiate, et pour surmonter au plus vite les difficultés financières de la Guinée possible, que Sékou Touré accepte l’Union. Le fossé idéologique qui les sépare, l’inégalité entre les deux territoires, et la forte personnalité des deux dirigeants empêchent l’Union de dépasser le stade d’un projet vague et théorique et de gagner l’adhésion populaire. Certes, une deuxième étoile Noire est ajoutée au drapeau du Ghana, faisant office de drapeau de l’Union, mais contrairement aux attentes, chaque État garde son armée, sa monnaie et sa diplomatie.

Pourtant, Nkrumah est convaincu qu’il y détient le noyau des futurs États-Unis d’Afrique. En juillet 1959, lors de la conférence de Sanniquellie, petit village libérien, Nkrumah invite, en présence de Sékou Touré, le Libéria de William Tubman à rejoindre l’Union Ghana-Guinée. Le refus du Libéria conforte Sékou Touré dans sa volonté de réduire le projet à un simple outil de coopération interétatique.

L'Union

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