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Malcolm X et l’internationalisation de la question Noire : l’influence de Malcolm X sur la scène afro-américaine et panafricaine est souvent présentée en opposition à celle de Martin Luther King; elles sont en réalité plus complémentaires qu’on ne le pense généralement! Rosa Parks, dont l’acte de désobéissance civique la place dans le courant non-violent de King, a toujours soutenu qu’elle était plus proche de l’esprit de résistance incarné par Malcolm X, (cependant, la pensée de ce dernier a considérablement évolué avec le temps, passant du séparatisme à l’internationalisme); « Fils d’un militant GARVEY-iste assassiné par le Ku Klux Klan, Malcolm Little a connu une jeunesse difficile puis un séjour de 6 ans en prison, qu’il met á profit pour se former en autodidacte, parcourant de nombreux livres d’histoires »

En 1952, à sa sortie de prison, il adopte l’initiale (X) pour effacer son patronyme hérité de l’esclavage, et il rejoint la Nation Of Islam (NOI) dont il devient rapidement le porte-parole. Organisation séparatiste créée en 1930 à Détroit, NOI, qui était alors dirigée par Elijah Muhammad, le fils du fondateur, recrutait et formait des milliers de jeunes Noirs à travers un programme d’action et de réinsertion économique et sociale, une discipline paramilitaire et une doctrine politico-religieuse. L’organisation soutient notamment que l’année 1965 marque la fin de 4 siècles d’esclavage des Noirs en Amérique, et le moment de reprendre en main leur destin. Prônant l’établissement sur le sol américain de territoires indépendants peuplés et gouvernés par des Noirs, le discours ambigu de Mahomet semblait valider un système de ségrégation contre lequel luttait à l’époque la grande majorité des mouvements noirs. De plus, en refusant tout contact avec les Blancs, Nation Of Islam reste dans une position apolitique qui la rend finalement moins radicale que la non-violence de King.

Constatant les dysfonctionnements internes de la NOI et en désaccord politique avec ses dirigeants, Malcolm X finit par rompre avec l’organisation au début de 1964. Excellent orateur et redoutable débatteur, n’ayant plus de compte à rendre à la NOI et n’hésitant pas à pousser la provocation sur les plateaux de télévision, où il est régulièrement invité, il devient encore plus dangereux aux yeux de tous : la NOI, à laquelle il a fait venir des dizaines de milliers de membres ; les milieux conservateurs afro-américains, qui n’apprécient pas d’être traités de (House niggers ou d’ Uncle Toms), et les médias et pouvoirs politiques dont il dénonce la soumission aux intérêts impérialistes. Tous s’efforcent de détruire l’image et les idées de Malcolm X. De son côté, Malcolm X comprend qu’il ne peut lutter contre ces forces réactionnaires qu’en internationalisant son combat. Le 13 avril 1964, il effectue une tournée au Moyen-Orient et en Afrique. En Arabie Saoudite, il effectue le pèlerinage et adopte le nom d’El Hadj Malik Shabazz.

En adhérant à l’islam sunnite orthodoxe, il s’affranchit définitivement de l’influence sectaire de la NOI et s’intéresse au panarabisme. Puis, à Lagos, il se présente comme (un militant musulman américain), mais aussi comme l’un (des frères que l’Afrique avait longtemps cru perdus). Á l’étape suivante, à Accra, il rencontre l’ambassadeur d’Algérie et décide d’abandonner le critère racial comme élément d’unité des groupes révolutionnaires. Il développe également ses réflexions panafricaines devant la communauté afro-américaine installée dans la capitale ghanéenne. Même si les Afro-Américains doivent (rester physiquement en Amérique) et se battre pour leurs droits, il leur conseille néanmoins de (créer une unité effective dans le cadre du panafricanisme) pour renforcer les deux camps de la lutte. Mettant cette idée en pratique, il décide, à son retour à New York, d’adopter la proposition de l’historien John Henrik Clarke consistant à créer une nouvelle structure destinée à rassembler toutes les diasporas africaines afin de peser politiquement sur les exécutifs occidentaux : l’Organisation de l’unité afro-américaine (OAAU). Censée être le pendant de l’OUA, l’OAAU considère que les Noirs/Africains du continent et de la diaspora doivent s’unir pour faire avancer leur cause. Le respect des États occidentaux envers les populations africaines vivant sur leur territoire, croire que ses dirigeants, ne sera réel que lorsque l’Afrique, unie et puissante, saura exporter son unité et sa puissance derrière chaque individu d’origine Noire/Africaine vivant hors du continent.

En juillet 1964, Malcolm X effectue un deuxième voyage de 4 mois en Afrique et au Moyen-Orient. Sa première étape le conduit au Caire où, du 17 au 21 juillet 1964, il participe en tant qu’observateur à la seconde somme de l’OUA. Il explique à quel point le destin des Afro-Américains est lié à celui de leur terre d’origine : « Puisque 22 millions d’entre nous étaient à l’origine des Africains, nous sommes maintenant en Amérique, non par choix, mais par un cruel accident de l’histoire, nous croyons fermement que les problèmes Africains sont nos problèmes et que nos problèmes sont des problèmes Africains ».

En sa qualité de président de l’OAAU, Malcolm X appelle l’OUA à voter la résolution, proposée par le président Nyerere, condamnant les États-Unis, au même titre que l’Afrique du Sud, pour leur politique envers les Noirs. L’activiste afro-américain, qui avait toujours soutenu dans ses déclarations des positions similaires au groupe de Casablanca, a ravivé les divisions au sein de l’organisation continentale et a reçu les critiques des mouvements conservateurs afro-américains qui ne se reconnaissaient pas dans l’OAAU. Malcolm X est ainsi le premier dirigeant afro-américain à adopter clairement le panafricanisme comme solution politique aux problèmes rencontrés par tous les peuples Noirs/Africains. Á sa suite, plusieurs militants assisteront, dans les années suivantes, aux sommets de l’OUA pour demander le soutien de l’organisation panafricaine. Malcolm X entreprend une démarche parallèle du côté des Nations unies, demandant notamment aux ambassadeurs qui y représentent les pays africains progressistes de donner une tribune au siège new-yorkais de l’organisation, au cœur de l’Amérique, à la libération mouvements Noirs/Africains.

Lors de son séjour de plusieurs semaines en Égypte, Malcolm X intervient à l’Université Al-Azhar et visite des sites historiques. Il rencontre plusieurs personnalités du monde arabe qui l’amènent à renforcer sa critique du sionisme. Après un séjour en Arabie Saoudite, Malcolm X retourne en Afrique. Á Nairobi, Dar es Salaam, Lagos, Accra ou Conakry, il s’entretient à chaque fois avec les autorités, les mouvements de libération en exil et les militants afro-américains sur les possibilités de constituer un large front anti-impérialiste. Après des escales à Alger puis à Genève, où il invite sans cesse les Afro-Américains à choisir entre (le scrutin ou le flingue), il donne dans la salle parisienne de la Mutualité un meeting consacré aux conséquences de l’élection du président Johnson et de la lutte Noire aux États-Unis.

Quelques mois après son périple Africain, Malcolm X, devenu un infatigable voyageur et un conférencier à succès, part pour l’Angleterre en février 1965. Á Oxford, il donne une conférence au cours de laquelle il explique qu’une fois la révolution Noire lancée, les Blancs rejoignez-la pour renverser le système. Cette déclaration est un coup de foudre car Malcolm X, perpétuellement qualifié par les grands médias de raciste anti-Blanc, fascine de plus en plus la jeunesse blanche engagée qui, dans les années 1960, rêvait d’en découdre avec les structures du pouvoir et les hiérarchies traditionnelles. Interdit de séjour en France, où il avait notamment prévu de discuter avec l’activiste Noir Cubain Carlos Moore de la possibilité d’ouvrir une antenne de l’OAAU en France, Malcolm X est rentré à Londres d’où il a donné, par téléphone, une conférence retransmise aux 300 personnes, qui l’attendaient à Paris.

À son retour aux États-Unis, la position de Malcolm X est clairement internationaliste. La solidarité des oppresseurs, explique-t-il à Détroit le 13 février 1965, exige la solidarité des opprimés dont l’importance numérique ne peut que leur assurer la victoire : « Les intérêts des États-Unis sont liés à ceux de la France et à ceux de la Grande-Bretagne. Tout cela forme un seul et immense complexe : ce n’est pas une puissance américaine ou française, mais une puissance internationale. Cette puissance internationale sert à réprimer les masses à la peau Noire du monde et à exploiter leurs ressources naturelles (…). Le simple fait de prôner l’idée d’une coalition d’Africains, d’Afro-Américains, d’Arabes et d’Asiatiques qui vivent à l’intérieur de la structure était de quoi contrarier la France, que l’on dit être l’un des pays les plus libéraux du monde, et lui faire dédramatiser son jeu. Pour l’Angleterre, la même chose (…). Si on pense que le Brésil a 2/3 de ‘gens de couleur, de ‘non-Blancs’, et qu’on ajoute ceux du Venezuela, du Honduras et du reste d’Amérique centrale, de Cuba, de la Jamaïque, des États-Unis et même du Canada – le total dépassera sans doute les 100 millions. Et c’est la présence de ces 100 millions à l’intérieur de la structure qui inquiète aujourd’hui les autorités ».

Source : Amzat Boukari, (Africa Unite: A History of Pan-Africanism), Pages 218 à 222.

Malcolm X

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