Pour éviter tout soulèvement populaire, des mesures drastiques de sécurité sont prises, les frontières sont fermées. Cotonou retient son souffle, mais qui a tué Michel Aïkpé et pourquoi l’a-t-il tué ? Pour avoir couché avec la femme du président ou assassinat politique ?? « La version officielle soutient que le ministre de l’Intérieur Michel Aïkpé a été abattu parce qu’il a été pris en flagrant délit d’adultère avec la femme du président de la République, la magistrate Lakoussan Béatrice Symphorose ».
Selon le Communiqué du Bureau Politique National rapporté dans le quotidien gouvernemental Daho-Express n°1689 du lundi 23 juin 1975, les circonstances ayant conduit à l’assassinat du Ministre de l’Intérieur sont les suivantes. « Le Chef de l’État a été alerté par des militants de la présence inhabituelle et irrégulière de son épouse (la première dame) à la résidence officielle du Capitaine Aïkpé. Soupçonnant une relation adultère, le Chef de l’État s’est rendu sur les lieux avec sa garde rapprochée. Il verra sur les lieux, la voiture qui aurait servi à son épouse ».
Lorsqu’on leur a demandé d’ouvrir la porte, les occupants de l’appartement n’ont pas obtempéré. Face à ce refus d’obtempérer, le Président Kérékou demandera à son garde de défoncer la porte. C’est alors que le Président découvrira la vérité : Son épouse et le capitaine Aïpké en tenue d’Adam et Éve ; nus comme un ver. Ainsi, pris en flagrant délit d’adultère et alors qu’il tentait de s’enfuir, le capitaine Aïkpé a été incidemment abattu par la garde présidentielle.
Le Chef de l’État prendra par la suite des sanctions très fortes à l’encontre de son épouse. Il signe un décret présidentiel publié au Journal Officiel du 15 octobre 1975 qui stipule notamment ceci : « Par décret du Président de la République, Chef de l’État, Chef du Gouvernement, le Conseil des Ministres entendu, en date du 23 février 1976, la Camarade Lakoussan Béatrice Symphorose est radiée du Corps de la Magistrature à compter du 20 juin 1975. « La camarade Lakoussan Béatrice sera reclassée dans le Corps des Administrateurs Civils au grade correspondant à son ancienneté dans le Corps de la Magistrature et mise à la disposition du Ministre de la Fonction Publique et du Travail ».
Voici la version officielle de la mort du ministre de l’Intérieur, le capitaine Aïpké. Face à ce crime odieux, les masses populaires de Cotonou et d’Abomey ont organisé des manifestations qui ont été sévèrement réprimées.
Pour ces populations, il s’agissait tout simplement d’un assassinat politique déguisé en affaire morale. Secret de polichinelle, le ministre de l’Intérieur Michel Aïkpé était devenu le principal rival de Mathieu Kérékou au sein de l’appareil d’État. Kérékou craignait certainement que ce dernier ne le chasse du pouvoir. C’est pourquoi Kérékou aurait fomenté son assassinat. Plusieurs témoignages le soutiennent.
Voici par exemple le témoignage du général François Kouyami, extrait du livre (Notre ami Kérékou) d’Amadou Ousmane, Editions Assuli, 2016, pages 79-80 : L’affaire d’Aïkpé a fait l’objet de nombreuses spéculations. Pour la petite histoire, ce qu’il faut savoir, c’est que le coup d’État contre Kérékou avait bel et bien été préparé par Aïkpé et Assogba. Mais Aïkpé s’est enfui. Assogba a été rattrapé et Aïkpé est revenu et a repris ses fonctions. Kérékou, qui a une rancune tenace, ne voulait rien oublier. C’est alors que Béatrice, l’épouse de Kérékou, est intervenue pour les réconcilier tous les trois.
Il y a eu plusieurs séances de réconciliation qui ont échoué et c’est à la dernière séance que les choses ont dégénéré. Ça s’est enflammé. Et Aïkpé qui était plus sportif, a attaqué Kérékou. Ce dernier s’est défendu comme il se doit. Ils étaient au corps à corps lorsque le garde du corps de Kérékou (s’est allumé) autrement dit, a tiré sur Aïkpé. C’était un incident, rien de plus. Et tout ce qu’on a pu dire sur la prétendue (coucher) entre Aïkpé et la femme de Kérékou n’était qu’une fabrication. « Comme pour lever définitivement le doute, le général François Kouyami donne un peu plus de détails dans son livre-entretien. (Affaires d’État au Bénin, le général François Kouyami parle) : Muni de sa mitraillette, le capitaine Aïkpé était parti au volant de sa voiture. On apprendra plus tard qu’il s’était rendu seul au palais présidentiel. Les échanges qu’il a eus avec le président Kérékou ont été très houleux et particulièrement violents ».
Le capitaine Aïkpé, qui avait commis l’erreur fatale de se rendre au palais sans ses gardes du corps, était devenu particulièrement agressif et voulait s’en prendre physiquement au commandant Kérékou, mais il avait laissé sa mitraillette dans sa voiture. Kérékou n’était pas armé non plus. Par contre, le président était suivi par son garde du corps, Martin Dohou Azonhiho de Djougou, il fut plus tard liquidé par chantage, une technique qu’il ne maîtrisait pas bien.
C’est donc ce garde du corps Martin Dohou Azonhiho qui avait tiré sur le capitaine Aïkpé, à la grande surprise de Kérékou. Lakoussan Béatrice Symphorose l’épouse du président qui, avant cet incident, avait tenté en vain de calmer les deux protagonistes, assista, impuissante, à l’exécution du ministre de l’Intérieur. « Le choc reçu face à ce drame, l’avait presque déstabilisée contrairement aux rumeurs, elle n’était pas droguée, elle était traumatisée. En définitive, c’est le zèle de ce garde du corps qui a provoqué la mort d’Aïkpé, il faut donc réhabiliter la mémoire du capitaine Aïkpé ».