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Ndaté Yalla Mbodj, la reine wolof qui s’opposa à l’invasion coloniale française au Sénégal, en 1855 : au XIXe siècle, cette femme forte refusa de se soumettre à la présence française et demeure une figure importante de la résistance à l’occupation de l’Afrique (Sénégal) « Lorsque les Français arrivent au Sénégal en 1855 pour le coloniser, la première force de résistance qu’ils rencontrent est une femme (Ndaté Yalla Mbodj) »

Alors qu’en France la citoyenneté féminine ne sera reconnue que 90 ans plus tard, ce n’est pas sans surprise que les Français découvrent cette femme au beau visage, à la corpulence forte et à la tête d’une immense armée. Ndaté Yalla vient de la famille Tédiek, une famille qui s’est enrichie au cours de son long règne en accumulant une fortune et des armes grâce à des échanges avec les comptoirs français. 

Notez qu’en ces temps là, les souverains sénégalais des Royaumes Wolofs portaient le titre de « Brack », et les mères ou soeurs des souverains étaient appelées « Linguères« . Les linguères pouvaient succéder aux souverains et certaines dirigeaient elles même leur armée. À la mort du Brack Kouly MBaba Diop en 1816, sa cousine la Linguère Fatim Yamar Khouriaye Mbodjlui succède et décide d’élir son mari Amar Fatim Borso Brak du Waalo. C’est la première fois qu’une Linguère est en même temps l’épouse d’un Brack. Les Linguères étaient préparées à diriger leur peuple, politiquement et militairement. Elles étaient formées au métier des armes et savaient défendre le Royaume, même en l’absence des hommes.

Un exemple est celui des Evènements de Nder : 

  • Le mardi 7 mars 1820 le Brack se trouve dans la ville de St Louis pour s’y faire soigner en compagnie des hauts dignitaires de sa cour. Les guerriers des deux états voisins, les Maures, profitent alors de son absence pour attaquer la capitale, mais ils reculent très vite face à la riposte d’un groupement de femmes téméraires armées jusqu’aux dents et dirigé par Fatim Yamar elle-même;
  • Lorsque les guerriers vaincus retournent chez eux, leur orgueil leur pousse à revenir et à finalement venir à bout de ces femmes. Cette fois, l’armée féminine ne tient pas face aux hommes, mais la Linguère et ses compagnes préfèrent se brûler vives plutôt que de faire face au déshonneur. Fatim Yamar décide de tout de même faire échapper ses deux filles de 10 et 12 ans, Djeumbeut et Ndaté Yalla, afin de perpétuer sa lignée.

Eduquées en guerrières, les deux filles dirigeront plus tard le royaume. 

  • Ndaté Yalla est la dernière souveraine du Waloo. Elle a succédé à sa soeur Djeumbeut juste après la mort de cette dernière le 1er Octobre 1846. Elle dirige le Royaume d’une main de fer et représente une vraie menace et une vraie source de problèmes pour les colons français, à qui elle résiste fermement;
  • Lorsque les Français signent des accords avec le peuple Wolof, seuls des noms de Brack y figurent. Pour la première fois, la signature d’une femme y figure, celle de Ndaté. La souveraine impressionne tellement ces derniers que parfois ils ne passent que par elle, ne donnant plus d’importance aux autres Bracks des Royaumes Wolofs. En effet, il arrivait que les lettres envoyées au gouverneur ne portent que la signature de Ndaté.

Ndaté Yalla n’était pas dupe et savait faire preuve d’intelligence et de vigilence face aux propositions des Français. On retient ce qu’elle écrira en s’adressant à l’Administrateur Faidherbe le 23 mai 1851 : 

  • Le but de cette lettre est de vous faire connaître que l’Ile de Mboyo m’appartient depuis mon grand-père jusqu’à moi. Aujourd’hui, il n’y a personne qui puisse dire que ce pays lui appartient, il est à moi seule;
  • Ndaté se considérait donc comme le seul souverain du Royaume du Waalo et durant tout son règne elle défiera les Français et leur livrera une bataille acharnée. En 1847 elle réclame le passage libre de la population des Saraokés qui ravitaillent l’Ile de St-Louis en bétail. Dans sa lettre au gouverneur, elle écrit ceci : « C’est nous qui garantissons le passage des troupeaux dans notre pays ; pour cette raison nous en prenons le dixième et nous n’accepterons jamais autre chose que cela. St Louis appartient au Gouverneur, le Cayor au Damel et le Waalo au Brack. Chacun de ces chefs gouverne son pays comme bon lui semble ».

Ndaté n’hésitera pas à piller autour de St Louis et à menacer verbalement ou par des correspondances le Gouverneur. Les Français réclameront un remboursement des dommages causés par les pillages et Ndatté refusera catégoriquement et fièrement.

  • C’est ainsi qu’elle finit par faire prévaloir ses droits sur l’Ile de Mboyo et l’Ile de Sor (actuelle ville de St Louis).  Le 5 novembre 1850 Ndaté interdit tout commerce dans les marigots de sa dépendance et pousse les Français au bout de ce qu’ils peuvent supporter. Faidherbe ordonne une bataille contre les troupes du Waloo qui cette fois ne résistent pas face à la puissance technologique de l’ennemi;
  • Après avoir vaincu Ndaté Yalla, Faidherbe emmène son fils Sidya, qui n’a que dix ans à Saint-Louis pour le scolariser à l’école des otages. Ce que Faidherbe ignore c’est que l’enfant a déjà reçu une éducation semblable à celle qu’avait eu sa mère et quel cette dernière lui a déjà inculqué une fierté nationale et un esprit de stratège dès son plus jeune âge;
  • Il enverra l’enfant au Lycée Impérial d’Alger en 1861. Deux ans plus tard Sidya demandera à Faidherbe de revenir au Sénégal. Ce dernier accepte et baptise le jeune homme en lui donnant le prénom de Léon, et il devient lui même son parrain;
  • Sidya n’a que 17 ans quand la colonie française lui confie le commandement du canton de Nder. Chose surprenante, le jeune homme refuse. En nationaliste initié par sa mère, Sydia décide de défier les Français;
  • Il se débarrassera de tout ce qu’il a appris des Européens, et même de leurs vêtements pour se tourner vers les traditions de son peuple, revêtir le vêtement traditionnel et porter des tresses de Thiédo, que nous connaissons aujourd’hui comme les dread locks. Sidya se jure de ne même plus parler la langue des colons;
  • En novembre 1869, Sidya dirige une insurrection générale contre les français, entrainant ainsi de lourdes pertes aux troupes françaises. Mais l’administration coloniale va le traquer sans cesse;
  • Quand il arrive à Lat Dior pour concrétiser un front de libération nationale, il est trahi par ses guerriers qui le livrent au Gouverneur Valère à Saint-Louis le 25 décembre 1875. Il sera déporté au Gabon en 1876 où il mourut en 1878 à l’âge de 30 ans;
  • Que retenir de Ndaté Yalla Mboj? Une souveraine, une combattante, une résistante, une mère et une éducatrice. Et c’est exactement ce que les Sénégalais retiennent aujourd’hui de Ndaté Yalla Mboj.

Le 2 septembre 1850, l’abbé David Boilat assiste à une scène époustouflante et décide d’en capturer l’image. C’est elle, Ndaté Yalla, en train de fumer sa pipe d’honneur. Elle est entourée de plus de cinq cents femmes en tenues somptueuses, de princes et de guerriers.

Cette représentation reste la plus célèbre qu’on connait de la reine « Ndaté Yalla Mboj ». Ecrit par Natou Reine-Héroïne Dafrique.

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