Au milieu des années 1950, les peuples arabes et africains considéraient le régime de Nasser comme un exemple et un modèle. Déterminé à aider les mouvements de libération à sortir des griffes coloniales, Nasser accueille leurs militants et les soutient financièrement, politiquement et militairement. Ainsi, le Caire devient une base arrière pour les combattants algériens du FLN qui livrent un combat acharné contre l’armée française. C’est là que les dirigeants de l’UPC, expulsés du Cameroun, trouvent également refuge. Nasser poursuit ainsi une politique panafricaine indépendante. Un Haut Comité pour les affaires africaines est créé au Caire en 1956.
L’Égypte accorde des bourses aux étudiants africains et accorde l’asile aux nationalistes africains et à leurs proches. Avec des émissions en haoussa, en swahili et en amharique, Radio Le Caire, dont les ondes puissantes atteignent une bonne partie de l’Afrique, devient une antenne de propagande anticolonialiste. Nasser a également financé des conférences diplomatiques et culturelles et a accueilli la Conférence afro-asiatique de 1957.
Mais Nasser n’était pas seulement panafricain. Il milita aussi et surtout pour l’union des peuples arabes. Renonçant à un projet d’union des États du Nil avec le Soudan, voire avec l’Ouganda, il se tourne vers la Syrie pour fonder avec elle, en février 1958, la République arabe unie (RAU), conçue comme la première étape d’un grand État panarabe. Lorsque la Conférence des peuples Africains fut organisée en décembre 1958, les voies panafricaine et panarabe semblaient se réparer d’elles-mêmes. Bien qu’il ait un grand intérêt pour l’Égypte (d’où est également originaire sa femme Fatiah, une copte), Nkrumah apparaît de plus en plus comme un concurrent de Nasser sur la scène politique continentale. Il est intéressant de noter, par exemple, que les militants de l’UPC, en délicatesse avec le pouvoir nassérien à l’époque, ont quitté l’Égypte après la conférence d’Accra pour s’installer au Ghana et en Guinée.
Nasser était également confronté à d’autres projets concurrents en Afrique du Nord. Accédant á l’indépendance en 1956, la Tunisie et le Maroc nourrissent en effet leurs propres projets d’union régionale. La Constitution tunisienne reconnaît, dans son préambule, l’appartenance de la Tunisie à un (Grand Maghreb). Rabat, pour sa part, est favorable à un (Grand Maroc) dans une entité fédérale maghrébine incluant ainsi les territoires de la Mauritanie, du Sahara espagnol et français, de l’Algérie, de la Tunisie et de la Libye. Rencontrant leurs homologues du Néo-Destour tunisien et de l’Istiqal marocain à Tanger en avril 1958, les dirigeants algériens du FLN rejoignent officiellement la ligne panmaghrébine du Maroc et de la Tunisie.
Nous, représentants des mouvements de libération nationale de Tunisie, d’Algérie et du Maroc, proclamons solennellement notre foi en l’unité du Maghreb et notre volonté de la réaliser dès que les conditions le permettront, c’est-à-dire lorsque les femmes francaises et étrangères auront évacué leurs bases en Tunisie et au Maroc lorsque l’Algérie sera devenue indépendante, proclament les délégués réunis à Tanger, qui proposent la mise en place d’une Assemblée, composée des trois parlements nationaux, pour jeter les bases de la future Fédération maghrébine.