KONGOLISOLO
Actualité

Devoir de mémoire – Croissance Africaine ou illusion de développement : ces dernières années, de nombreux pays Africains affichent des pourcentages de croissance record, beaucoup d’entre eux courent désormais vers la soi-disant (émergence), chacun fixe son échéance à qui mieux vaut, mais le problème est que personne ne s’est jamais donné la peine d’expliquer au peuple ce que signifie réellement le qualificatif (émergent), ni en quoi être (émerger) constitue un objectif valable pour la politique économique d’un État; « De nombreuses publications ont récemment fait leur une sur l’idée d’une Afrique qui gagne, d’une Afrique qui se développe, d’une Afrique qui croît » … (VIDÉO)

De beaux chiffres de croissance économiques nous sont jetés à la figure avec une vigueur sans cesse renouvelée : 8,18 pour cent pour le Ghana en 2012, 14,46 pour cent pour le Niger en 2012 ou encore 6,83 pour cent pour l’Angola Etc. En clair, une foule de pays Africains serait en passe de devenir des pays soi-disant émergents. Ainsi, le terme (émergent) semble être devenu le nouveau vocable à la mode, le concept rabâché par tous les gouvernants d’Abidjan à Kinshasa en passant par Yaoundé.

Concrètement, que signifie être émergent ? Silence radio pour le moment. (Actuellement, la croissance économique ne représente qu’une simple augmentation mathématique du PIB). Les chiffres de forte croissance qui alimentent ce discours sur l’émergence ne sont cependant pas des indicateurs suffisants pour mesurer le niveau de développement économique d’un pays ; encore moins lorsqu’il s’agit d’évaluer le niveau de bien-être de sa population, que ce soit en termes de santé ou d’éducation, d’emploi, de logement, de sécurité, Etc.

La croissance économique telle qu’elle est actuellement présentée ne représente qu’une simple augmentation mathématique du PIB : c’est-à-dire la quantité de richesse produite par le pays, indépendamment de ce qui est produit et de la manière dont les fruits de cette production sont ensuite répartis au sein de la population. Ainsi, lorsqu’un pays comme l’Angola affiche des chiffres de croissance économique record dus à l’augmentation des revenus pétroliers, on est en droit de se demander comment cela contribue réellement au développement économique du pays, alors qu’une grande partie de ces revenus est captée par une minorité et affectée à utilisations improductives telles que l’importation de produits de luxe.

Pour bien comprendre le problème, il faut d’abord revenir aux concepts mêmes de développement économique et de sous-développement.

Le développement économique est un concept relatif et non absolu. Nous sommes toujours (développés) par rapport à un (sous-développé), tout comme le concept de richesse n’a de sens que lorsqu’il y a aussi des pauvres. Ainsi, la plupart des pays africains sont dits sous-développés par rapport à la plupart des pays européens, aux États-Unis d’Amérique et à certains pays asiatiques comme le Japon ou la Corée du Sud. Jusqu’aux années 1980, la notion de développement était étroitement liée à celle d’industrialisation et on parlait plus de pays industrialisés que de pays non industrialisés.

La notion d’industrialisation a été progressivement abandonnée dans le discours économique dominant par les champions du néolibéralisme et des institutions comme la Banque mondiale et le FMI. Ce discours est servilement répété par la plupart des élites africaines. Cependant, quand on regarde l’histoire économique des trois derniers siècles, on se rend compte que le développement économique commence avec l’industrialisation, avec une fabrication à grande échelle plus efficace d’une gamme de produits de plus en plus diversifiés et technologiquement avancés. Bien que les secteurs des mines et de la construction fassent partie de la définition de la production industrielle, il est largement admis dans la littérature économique que c’est la transformation des matières premières en marchandises par le fruit du travail ou de l’intelligence qui a le plus d’impact sur l’emploi et la progrès économique. Ainsi, lorsque nous parlons d’industrialisation, nous devrions vraiment avoir à l’esprit la (production manufacturée).

Les records de croissance économique diffusés ici et là ne nous disent donc rien des progrès de l’industrialisation, et donc du développement économique réel de ces pays. Les chiffres présentés, comme la croissance des revenus de l’exportation de matières premières (café, cacao, tabac, thé, Etc), et du secteur minier (pétrole, uranium, cobalt, bauxite, Etc), ou ceux de la secteur de la téléphonie mobile avec l’augmentation exponentielle du nombre de téléphones portables, ne signifie nullement que l’Afrique est en train de s’industrialiser, donc de se développer véritablement.

Dans la plupart des cas, nous vivons encore dans des économies rentières, très peu diversifiées, où l’essentiel des revenus provient de l’exploitation de quelques matières premières essentielles. C’est le cas de la Côte d’Ivoire avec le cacao, de l’Angola avec le pétrole, de l’Éthiopie avec le thé, du Malawi avec le tabac, Etc.

Comment parler de véritable développement économique alors que les capacités de production industrielle n’ont guère augmenté depuis des décennies ?? Où sont les entreprises africaines qui sont des leaders mondiaux de l’industrie dans leur secteur ?? Hormis bien sûr les géants miniers sud-africains formés sous l’apartheid. Où sont les géants Africains, et champions internationaux du textile ?? Médicament?? Énergie?? Construction?? Agroalimentaire ?? Pétrochimie ?? Voiture? Électronique?? Naval?? Armement?? Électronique?? L’informatique??

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’industrialisation en Afrique a connu une croissance significative du début des années 1970 au début des années 1990, mais depuis ce temps, presque partout, il y a eu stagnation ou déclin industriel. En effet, la part de la valeur ajoutée manufacturière (MVA) dans le PIB (produit intérieur brut) du continent est passée de 6,3 % en 1970 à 15,3 % en 1990. La MVA a depuis amorcé une déprimante baisse : elle est ainsi passée à 12,8 % en 2000 pour chuter encore à 10,5% en 2010. Il est important de noter que cette baisse de la VAM dans le PIB concerne absolument toutes les régions du continent. Autre fait révélateur, la part du continent africain dans la production manufacturière mondiale est encore ridiculement faible. La part de l’Afrique dans la valeur ajoutée manufacturière mondiale est passée d’un minimum de 1,2 % en 2000 à un niveau inférieur de 1,1 % en 2008. En comparaison, la part des pays soi-disant sous-développés asiatiques dans la valeur ajoutée manufacturée mondiale est passée de 13 pour cent à 25 pour cent dans la même période.

Enfin, lorsque l’on regarde les données sur les exportations de produits manufacturés au niveau mondial, on constate que si la part de l’Afrique est restée quasiment stable (de 1,1 % en 2000 à 1,3 % en 2008), la part des pays asiatiques sous-développés a augmenté de 9,5 % à 16 % en 2008 ! La stagnation des produits manufacturés en Afrique est le signe même que malgré toutes les belles paroles sur la croissance économique (fantastique) de certains pays africains, les capacités réelles des économies africaines ne sont pas très reluisantes et ne s’améliorent pas de manière significative. Ceci est d’autant plus dramatique que l’industrie manufacturière est l’activité économique la plus stratégique pour le développement économique d’un pays et le bien-être de sa population. En effet, l’industrie manufacturière est le secteur qui offre le plus d’avantages en termes d’emplois, de revenus, de commandes pour les autres secteurs (agriculture, mines, services) et d’innovation technologique. Il faut donc absolument que les pays africains abandonnent les fausses bonnes idées telles que les PAS (programmes d’ajustement structurel et autres initiatives PPTE (dans les pays pauvres très endettés) et mettent la plus grande énergie à élaborer et appliquer une véritable politique industrielle intelligente et volontariste.

Compte tenu de la petite taille de la plupart des marchés nationaux, tant en termes de population que de revenus, et du manque relatif de capitaux et de travailleurs qualifiés, il est clair que les pays africains ont intérêt à unir leurs forces pour réaliser le développement industriel. Idéalement, il faudrait aller beaucoup plus loin que les projets actuels d’intégration régionale comme la CEDEAO ou la CEMAC en osant créer les États-Unis d’Afrique, avec une monnaie commune Africaine et un programme d’industrialisation à l’échelle continentale.

C’est la conclusion à laquelle les grands penseurs panafricanistes Kwame Nkrumah et Cheikh Anta Diop étaient déjà parvenus dans les années 1950. Maintenant que toutes les mesures (dettes, PAS, NEPAD, PPTE, Etc), ont échoué, on peut aussi dire que c’est la seule solution vraiment crédible aux problèmes économiques du continent.

Source : Panafrikan


Articles similaires

Laisser un Commentaire