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De Nkrumah à Julius Nyerere : la succession panafricaine ? Le président Tanzanien Julius Nyerere n’est pas un partisan inconditionnel de Nkrumah, avec qui il a eu de nombreux désaccords pratiques ou tactiques, mais il reste dans la tradition (progressiste) du panafricanisme; « Dans les années qui ont suivi l’éviction de Kwame Nkrumah, chassé du pouvoir par un coup d’État en 1966, c’est lui qui a repris le flambeau du panafricanisme »

Accueilli dans son pays par de nombreux militants révolutionnaires africains et afro-américains qui poursuivent la lutte contre l’impérialisme occidental, le colonialisme dans les territoires portugais, l’apartheid en Afrique du Sud et la discrimination raciale aux États-Unis, il cherche aussi, par une politique de développement originale, à rompre avec le modèle économique colonial qui se perpétue au-delà de l’indépendance politique.

Avec la chute de Nkrumah en février 1966, la dynamique panafricaine, quasi anesthésiée en Afrique de l’Ouest, se déplace vers l’Afrique de l’Est, et plus particulièrement vers la Tanzanie, où de nombreux militants afro-américains et caribéens, chassés d’Accra, viennent se réfugier. Ils y trouvent un régime dont le credo panafricain, d’abord modéré, évolue vers plus de radicalité sous l’impulsion de Julius Nyerere.

Le parcours de Nyerere est, à bien des égards, comparable à celui de Nkrumah. Originaire du Tanganyika, ancien territoire allemand passé sous mandat britannique après la 1ère guerre mondiale, formé en Ouganda puis en Ecosse dans les années 1940 et 1950, il forme la Tanganyika African National Union (TANU), parti politique réclamant l’indépendance. Celle-ci est obtenue pacifiquement, en 1961, il devient à 40 ans, le premier président de la République du Tanganyika l’année suivante alors que la plupart des pays environnants viennent d’accéder à l’indépendance (Rwanda, Burundi, Ouganda), ou encore sous domination coloniale (Kenya, Zanzibar, Mozambique, Fédération de Rhodésie et Nyassaland).

Présent à la Conférence panafricaine des peuples à Accra en décembre 1958, et principal animateur du PAFMECA, Nyerere s’intéresse très tôt au mouvement panafricain et milite pour la création d’une Fédération de l’Afrique orientale et centrale. Éduqué par l’indépendance qui a précédé celle de son propre pays et conscient des troubles qui agitaient les pays voisins, à commencer par le Kongo, Nyerere a entamé une réflexion sur la place et le rôle de l’armée dans les pays revenus à la souveraineté. Le poids parfois démesuré des jeunes armées africaines sur la scène nationale et leur incapacité à lutter contre les intrusions des grandes puissances l’incitent à militer, comme Nkrumah, pour la création d’une armée africaine. Il faut, selon lui, laisser à la police le soin d’assurer l’ordre et le respect de la loi à l’intérieur des frontières nationales de chaque État et confier à l’armée continentale la mission de rétablir la paix et la sécurité lorsqu’un conflit a atteint une dimension régionale ou continentale.

En l’absence d’une telle armée Africaine, Nyerere avait ainsi envisagé, au moment de l’indépendance du Tanganyika, de placer son pays sous protection militaire onusienne, avant d’y renoncer suite à la faillite des (casques bleus), pendant la crise Kongolaise. Fidèle à ses opinions panafricaines, il avait également milité pour l’indépendance du Tanganyika, de l’Ouganda, du Kenya et de Zanzibar pour les unir en une seule fédération. Alors que ces trois derniers territoires préfèrent aller seuls à l’indépendance, une révolution éclate en janvier 1964 à Zanzibar, qui vient d’accéder à l’indépendance.

Le sultanat arabe est renversé par un régime révolutionnaire dirigé par Abdulrahman Babu. Egalement présent à la conférence panafricaine d’Accra en décembre 1958, Babu est en contact avec tous les mouvements de libération et tous les gouvernements qui les soutiennent, de la Chine de Mao au Cuba de Fidel Castro en passant par la Palestine de Yasser Arafat. La Corée du Nord, Cuba, l’Allemagne de l’Est et la Chine ouvrent leur représentation sur le petit archipel au large du Tanganyika. Plus (modéré), Nyerere apparaît comme un facteur d’équilibre à l’échelle régionale. Soutenant la rébellion lumumbiste au Congo, il accepte d’envoyer des troupes pour stabiliser Zanzibar à la demande des Occidentaux. Mais cette attitude affaiblit son pouvoir. Le 19 janvier, des soldats réclamant une augmentation de leur solde et le départ des officiers britanniques s’emparent de points stratégiques du Tanganyika, la capitale de Dar es Salaam, et menacent de prendre le pouvoir. Leurs homologues Kényans et Ougandais font de même dans leurs pays respectifs le lendemain. Nyerere décide alors de repenser la question militaire, en établissant un programme d’éducation idéologique pour l’armée, et de relancer la dynamique de rapprochement régional.

Hostiles à une indépendance groupée du Tanganyika avec le Kenya et l’Ouganda, les Occidentaux, qui craignent que Zanzibar ne devienne le Cuba de l’Afrique, encouragent cette fois le projet d’union Zanzibar-Tanganyika. Ainsi, le 26 avril 1964, la République-Unie de Tanzanie est devenue le seul exemple de fusion de deux États indépendants pour former un seul État souverain (avec pour devise : « Unité et liberté »). Cependant, la stratégie des Occidentaux, qui avaient misé sur le conservatisme de Nyerere, est déjouée lorsque Dar es Salaam, la capitale de la Tanzanie, devient officiellement le siège du comité de libération de l’OUA et donc de tous les mouvements anti-impérialistes du continent.

De Nkrumah à Julius Nyerere

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