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Liberia, le retour raté des Afrodescendants : au début du 19e siècle, des Africains-Américains décident de retourner en Afrique et y fondent le Liberia « Cette expérience qui aurait dû être une réunion entre peuples séparés a très mal tourné, surtout pour les natifs; il convient de connaître et d’analyser cette triste page de notre histoire afin d’en tirer toutes les leçons pour l’avenir »

Liberia

Les Africains mis en esclavage aux USA dans les champs de coton : au tournant du 19e siècle, par la force, les Africains mis en esclavage arrachent de plus en plus leur liberté aux USA. Alarmés par le nombre grandissant de Noirs libres dans une Amérique qui prône la suprématie de la race Blanche, les autorités américaines répondent à la volonté de certains Noirs  de retourner en Afrique, et créent l’American Colonizing Society dont le but est de favoriser le retour en Afrique des esclaves affranchis.

Dès 1822, c’est par milliers que les Africains-Américains retournent en Afrique. Mais l’amélioration des conditions de vie des Noirs aux USA puis l’abolition de l’esclavage va inciter les Noirs à y rester.

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Ce sont tout de même 12 000 d’entre eux qui finiront par rejoindre cette terre en Afrique de l’Ouest qui représente la liberté et qui fut par conséquent baptisée Liberia. En 1847, ceux qu’on appelle les Americo-Libériens déclarent leur indépendance des autorités américaines et fondent la république du Liberia. Ce retour qui aurait dû être une réunion entre peuples séparés, va se transformer en cauchemar pour les peuples natifs du pays.

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La richesse culturelle extraordinaire des liberiens natifs, et même technique avec l’écriture Vaï ou la neurochirurgie avancée des Kissi, seront piétinées par les americo-liberiens. Les Américo-libériens vont dès lors créer un système de ségrégation au sein duquel ils sont au sommet.

Ils véhiculent la supériorité de la culture européenne, construisent des églises au mépris du Vitalisme (animisme) local, élèvent l’anglais au rang de langue nationale qui leur apparaît supérieur aux langues Kpelle ou Bassa des indigènes, portent des vêtements européens et mangent de la nourriture américaine, conservent fièrement leurs noms issus de la torture des plantations, prônent l’individualisme au détriment de la société communautaire africaine. Plus que tous, ils méprisent le Vitalisme et pensent comme les colons blancs qui occupent le reste de l’Afrique que seul le christianisme peut civiliser l’homme. 

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À gauche : Joseph Jenkins Roberts, né libre aux Etats Unis, premier président du Liberia en 1848. À Droite : James Skivring Smith, né libre dans aux USA, 6e président du Liberia en 1871. (Ils fondent des institutions calquées sur le modèle américain, avec un président appuyé par un sénat et une chambre des représentants).

Le drapeau libérien est un copié de celui des USA. Les Americo-libériens interdisent aux natifs d’acquérir la nationalité libérienne, leur interdisent le droit de posséder la terre, leur interdisent le droit de vote. Les relations avec les gouvernements occidentaux sont étroites et ceux-ci  font du pays leur terrain de jeu. Les Américo-Libériens, pourtant esclaves affranchis ou descendants d’esclaves vont jusqu’à vendre en esclavage les natifs pour les besoins des industries occidentales locales.

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Les américo-libériens iront jusqu’à reproduire en Afrique la plantation, pourtant symbole de leur enfer.

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Le drapeau du Liberia : la seule différence avec celui des Etats Unis est le nombre d’étoiles blanches sur le carré bleu. Devant cette discrimination scandaleuse, les natifs se soulèvent à plusieurs reprises.

Les Etats Unis interviennent au secours de la dictature americo-libérienne pour mater les insurgés. Firestone, compagnie américaine d’exploitation du caoutchouc profite de l’énorme production en hévéa du pays pour devenir le véritable maître du Liberia, comme le groupe français Areva aujourd’hui au Niger. Les 5% d’Américo-libériens s’enrichissent au milieu d’un océan de pauvres natifs.

C’est à l’occasion du projet du président Tolbert d’augmenter le prix du riz que les natifs vont se soulever pour une énième fois et mettre un terme à 133 ans de ségrégation. Sous le commandement du natif Samuel Doe en 1980, ils réussissent leur coup d’Etat et prennent le pouvoir. Tolbert et ses partisans sont tués par dizaines.

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Le président américain Carter reçu par le président libérien Tolbert en 1978. Le Liberia entretient presque des relations néocoloniales avec les USA.

Ellen Johnson Sirleaf, actuelle présidente d’un Libéra finalement pacifié, est issue du peuple natif Kru et a également une ascendance américo-libérienne. Le Liberia a toujours ce drapeau copié de celui des USA et l’anglais y est toujours langue officielle. Quelles leçons faut-il tirer de cette histoire?

Les Africains-Américains ont exercé leur droit légitime à retourner en Afrique. Leur présence au Liberia ne doit pas fondamentalement être remise en cause. Mais ce qu’il faut dire, c’est que si ces esclaves affranchis étaient africains dans leur sang et dans leur mémoire, ils n’étaient plus africains culturellement. La culture, l’élément le plus important de l’identité d’un peuple, était occidentale pour ces descendants d’esclaves. Pour dire les choses directement, ce sont des peaux noires masques blancs qui sont retournés en Afrique.

Les Américo-Libériens étaient aliénés, tellement aliénés qu’ils étaient fiers de leurs noms d’esclaves. Et c’est cette aliénation – qu’on retrouve également aujourd’hui chez des Africains natifs – qui les a conduit a méprisé l’Afrique. Ils sont certes retournés physiquement en Afrique, mais ils n’ont pas fait le travail d’assimilation culturelle qui aurait refait d’eux d’authentiques africains. Tout ça pour dire que lorsque la question de l’incorporation des Afrodescendants se posera véritablement à l’Afrique quand elle parviendra à s’unir, elle devra veiller à établir des conditions strictes à une acquisition de la citoyenneté africaine auxquels tous les Afrodescendants ont droit.

Tout comme un travail de désaliénation massif doit être fait en Afrique, il faudra que les Africains-Caribéens, les Africains-Américains et les Africains-sud américains prennent en partie ou totalement des noms africains, qu’ils apprennent la culture, la spiritualité et les langues africaines. Chacun pourra venir avec sa spécificité culturelle, tant que celle-ci ne remet pas en cause les fondements de l’identité noire. Ainsi, l’Afrique ne reverra plus au sein de son espace une terreur semblable à celle des Américo-Libériens.

Le coup d’état de Samuel Doe en 1980. La volonté de démocratisation du pays par Samuel Doe va se heurter à l’instabilité chronique du pays qui va sombrer dans la guerre civile.

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