KONGOLISOLO
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Devoir de mémoire : l’Organisation de l’Unité Africaine (1963), le jeu d’alliances, (les groupes de Brazzaville, Casablanca et Monrovia !) La crise du Kongo, qui a éclaté à l’été 1960 et qui a duré plusieurs années, a brisé l’unité de façade ! Autour du Ghana, les pays Africains progressistes reconnaissent le gouvernement Lumumbiste du vice-Premier ministre Antoine Gizenga, installé à Stanleyville, tandis que les pays restés proches des anciennes métropoles coloniales décident de travailler avec le gouvernement du président Kasa-Vubu à Léopoldville (Kinshasa); « Au nord du continent, la guerre d’Algérie divise déjà les Africains entre ceux qui veulent être (les révolutionnaires et ceux que la presse qualifie de modérés) »

En octobre 1960, le président ivoirien Houphouët-Boigny, chef de file de cette deuxième catégorie en Afrique francophone, organise une réunion à Abidjan dans le but officiel de faire la médiation des anciennes colonies françaises indépendantes entre la France et l’Algérie. La réunion vise également à établir une position commune avant l’entrée de ces nouveaux États Africains à l’ONU fin décembre. C’est à partir de ce moment que les Noirs/États Africains se divisent sur des lignes idéologiques opposées.

Des réconciliations conduisent à la création de différents groupes : groupes connus sous le nom de Brazzaville, Casablanca et Monrovia. Les divisions qui s’exprimèrent au début des années 1960 n’empêchèrent pas les États indépendants, de se réunir à Addis-Abeba (à l’exception de l’Afrique du Sud), et de signer, en mai 1963, la charte de l’Organisation de l’unité Africaine (OUA). Mais cette nouvelle organisation est loin d’être l’émanation de l’unité des peuples Noirs/Africains, à laquelle Fanon et quelques autres réclamaient. Derrière une fausse unité, c’est plutôt une alliance entre des dirigeants qui, pour la plupart, gouvernent leurs pays respectifs de manière autoritaire, et cherchent à défendre leur pouvoir.

En réalité, entre 1960 et 1963, la dynamique révolutionnaire ne domine que dans les territoires encore à décoloniser, notamment les colonies portugaises et l’Afrique australe. Ailleurs, l’indépendance a souvent été proclamée, parfois contre leur gré, par des régimes opportunistes, qui clament leur désir d'(Unité Africaine) de manière incantatoire, décidant de se rapprocher pour mieux paralyser l’objectif. Avec la création de l’OUA, tout le monde, y compris les régimes défavorables à l’Unité Africaine, peut se targuer d’être panafricain. Ainsi, les conditions dans lesquelles les États Africains décident de s’unir contiennent déjà les raisons pour lesquelles cette unité n’a pas été à la hauteur des attentes, notamment en matière de sécurité et de développement, Etc.

Réunies à Brazzaville en décembre 1960, 12 anciennes colonies françaises (Kongo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Sénégal, Mauritanie, Haute-Volta, Niger, Dahomey, Tchad, Gabon, Centrafrique, Cameroun, Madagascar) reconnaissent l’indépendance de la Mauritanie et offrent à l’Afrique médiation dans les crises Algérienne et Kongolaise. Surtout, ils signent la naissance de l’Union Africaine et malgache (UAM), qui confirme la réticence des pays francophones, dits (modérés), à rompre avec Paris et à intégrer un ensemble continental où ils sont minoritaires. Se retrouvant à Dakar, en février 1961, ce (groupe de Brazzaville) jette les bases d’une nouvelle Organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM) qui voit le jour quelques années plus tard, en 1965. Près de Paris, le groupe de Brazzaville est le premier groupe fermé, dont les invitations ne sont plus adressées à tous les États Africains mais uniquement à ceux qui répondent à certains critères idéologiques. C’est aussi le premier bloc politique rompant avec l’objectif de regroupement continental.

Constatant qu’ils sont minoritaires dans le groupe africain constitué à l’ONU, les pays Africains (progressistes) réagissent. Le Maroc, déplorant le soutien du groupe de Brazzaville à l’indépendance de la Mauritanie (en raison du différend frontalier entre les deux pays), annonce une conférence à Casablanca, qui réunit en janvier 1961 le Ghana, la Guinée, le Mali, la RAU (Egypte et Syrie ), ainsi que la Libye, le GPRA et Ceylan en tant qu’observateurs. Unis sur l’Algérie et dans leur condamnation du colonialisme et de l’apartheid, les pays du (groupe de Casablanca) sont en revanche divisés sur d’autres questions. Le Ghana, qui refuse de retirer ses troupes envoyées au Kongo, accepte, pour ne pas être totalement isolé, d’entériner la résolution de l’UAR condamnant Israël (avec lequel il entretient pourtant des relations solides). Signée en mai 1961 par les ministres des Affaires étrangères, à l’exception de celui de Libye, la charte institue un comité politique réunissant les chefs d’État, un comité économique réunissant les ministres des Finances, un comité culturel réunissant les ministres de L’éducation et un commandement suprême regroupant les états-majors des pays membres. L’interdiction de conclure des pactes militaires avec des puissances étrangères est soulignée. Mais, contrairement aux souhaits de Nkrumah, la charte de Casablanca ne mentionne pas l’abandon des souverainetés pour fusionner en une union politique. Bamako est désignée comme capitale du groupe, qui reste ouvert aux autres pays.

Constatant tour à tour le poids des gouvernements pro-Casablanca en Afrique de l’Ouest, Senghor, élu président du Sénégal en septembre 1960, contacte Sylvanus Olympio (Togo), William Tubman (Libéria) et Abubakar Balewa (Nigéria) afin d’organiser une conférence à Monrovia le 8 mai 1961. La Côte d’Ivoire et le Cameroun se joignent à l’initiative. La Guinée et le Mali, en revanche, ont renoncé à participer, suite aux pressions du Ghana, tout comme le Soudan, en raison de la présence de la Mauritanie. Les deux gouvernements en guerre pour le contrôle du Kongo ne sont pas invités.

La conférence de Monrovia apparaît ainsi comme un élargissement du groupe de Brazzaville qui bénéficie du soutien de 8 pays : (Liberia, Nigeria, Sierra Leone, Somalie, Togo, Ethiopie, Libye et Tunisie). Dans le cadre d’une gestion réformiste et individualiste de l’indépendance, le groupe de Monrovia, alors le plus grand rassemblement d’États Africains jamais organisé, plaide pour la non-ingérence dans les affaires intérieures et pour le maintien des frontières héritées de la période coloniale. Estimant que le modèle de l’État-nation européen est adapté aux réalités Africaines, il rejette l’idée d’un ensemble fédéral. Pour le groupe de Casablanca, en revanche, en particulier, pour le courant ghanéen, il faut dépasser les frontières coloniales et étendre le nationalisme à l’échelle continentale. Mais derrière ces options tranchées, les deux groupes s’influencent mutuellement et, en leur sein, les sociétés civiles de chaque pays sont traversées par des courants progressistes, radicaux, conservateurs et révolutionnaires. Certains tempèrent les autres, sachant que les forces (conservatrices) sont numériquement supérieures aux forces (progressistes).

Selon la terminologie de l’universitaire Michel Kounou, des divergences apparaissent, au sein de chaque groupe, entre un (courant unitaire objectif), qui se résume principalement au mouvement radical de Nkrumah, un (courant intermédiaire d’étape régionale), qui correspond au mouvement gradualiste incarné par des personnalités à la fois proches et lointaines comme Senghor et Nyerere, et un (courant défaitiste-collaborationniste et capitulationniste), autour de l’axe Monrovia-Abidjan-Lagos-Tannarive. Mais les groupes de Casablanca et de Monrovia peuvent tout de même s’accorder sur un certain nombre de slogans consensuels : (Non au colonialisme et à l’apartheid et Oui à la paix et à l’unité). Reste à savoir quelle définition donner à ces mots!

l'Unité Africaine

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