Grâce aux généticiens, désormais capables de lire nos chromosomes comme un livre ouvert, nous commençons à avoir une idée précise de la conquête du monde par cet animal à deux pattes et à grosse tête. « En Afrique, les plus anciens fossiles d’Homo sapiens remontent à 200 000 ans, (Pendant au moins 100 000 ans, l’espèce sapiens était relativement tranquille en Afrique de l’Est. Il fait beau, il y a de la nourriture et de l’espace) ».
Sa peau est Noire pour le protéger de la chaleur du soleil, mais bientôt, le voilà avec des fourmis dans les pattes. « Au fil des générations, les familles s’agrandissent et s’éparpillent. « Dans les génomes des humains actuels appartenant à plusieurs dizaines de populations réparties à travers l’Asie et l’Afrique, la paléogénéticienne du Musée de l’Homme Evelyne Heyer détecte plusieurs migrations. Les premières restent internes au continent noir. Un premier groupe d’humains modernes a quitté l’Afrique de l’Est il y a plus de 70 000 ans pour atteindre la pointe sud du continent ».
Les San sont leurs derniers descendants directs. Selon l’éminent paléontologue sud-africain Christopher Henshilwood, ces hommes ont inventé l’art, les bijoux, les premiers outils en os, les pointes de flèches en pierre et plusieurs autres technologies. Soit 30 000 ans avant l’Européen Cro-Magnon. il s’agit donc d’inventions Noires/Africaines.
Des sauts de puce à chaque génération.
- Pour en revenir aux migrations humaines intra-africaines, il y a 50 000 ans, d’autres familles quittant le berceau de l’Afrique de l’Est pour emprunter la route du sud-ouest, engendrant les Pygmées. Les hommes vont également sortir du continent noir en franchissant la mer Rouge. La date de cette traversée reste encore floue;
- Les paléontologues, se basant sur l’examen de fossiles, et les paléogénéticiens, tripatouillant l’ADN, ne sont pas d’accord. Pour les premiers, le grand départ se produisit voilà plus de 100 000 ans. Les deuxièmes le situent plus récemment, autour de 70 000 ans. Il faut dire que ces premières migrations se font dans le désordre;
- Ce n’est pas le peuple juif quittant l’Égypte (encore que cet exode semble relever de la pure invention littéraire), mais une multitude de groupes familiaux de quelques dizaines de personnes progressant par sauts de puce à chaque génération. Avec des allers-retours, des tentatives avortées;
- Quoi qu’il en soit, ces premiers émigrants passent dans la péninsule arabique, alors plus accueillante qu’aujourd’hui. Ils s’installent, débordent sur le reste du Moyen-Orient. Vivant sous des latitudes moins ensoleillées, c’est là qu’ils perdent leur belle couleur noire au fil des mutations, ce qui leur permettra de mieux assimiler la vitamine D. Au Moyen-Orient, ils rencontrent leurs lointains cousins néandertaliens dont les ancêtres avaient quitté l’Afrique quelques centaines de milliers d’années plus tôt.
Une longue odyssée.
- La cohabitation, fut-elle aimable ou violente ? Peu d’indices permettent d’en avoir une idée. Néanmoins, les généticiens parviennent à lire dans notre génome que les sapiens (environ 10 000 individus) s’emparèrent peut-être d’une centaine de femmes néandertaliennes pour en faire leurs épouses;
- D’où les 1 à 4 % d’ADN néandertalien présents dans les chromosomes de tous les hommes actuels, à l’exception des Africains. Après ce métissage, des clans entament une longue odyssée de 20 000 ans, les menant jusqu’en Australie par la route du littoral. Ce sont les ancêtres des Aborigènes. À l’occasion d’un réchauffement climatique rendant plus accueillantes, les régions septentrionales, de nouvelles vagues d’émigrants quittent l’Arabie et le Moyen-Orient pour coloniser l’Europe et l’Asie continentale;
- Ces conquérants trouvent parfois sur les routes les descendants d’Homo erectus ayant conquis le monde bien avant eux. Ils les exterminent ou les assimilent. Les deux thèses coexistent. Certains paléontologues comme Yves Coppens expliquent le type asiatique par un métissage entre les nouveaux arrivants et les premiers colons;
- Le homo sapiens a bientôt conquis tout le continent asiatique hormis quelques poches où survivent une poignée d’erectus. Comme sur l’île de Florès. Puis les hommes passent le détroit de Béring voilà quelque 15 000 ans pour se répandre dans les deux Amérique.
Nous sommes tous des Homo Africanus.
- Les hommes frappent à la porte de l’Europe voilà 45 000 ans. Ils s’y installent, repoussant Neandertal (sans s’y unir cette fois) qui disparaît définitivement il y a 28 000 ans. Bien tard, les sapiens Européens surnommés Cro-Magnon seront, à leur tour, submergés par le vague néolithique venant du Moyen-Orient;
- Le flux humain sortant d’Afrique ne cessera jamais. Parfois dans des conditions dramatiques comme à l’époque du commerce des esclaves entre l’Afrique et l’Amérique. Aujourd’hui encore, la misère chasse des milliers d’Africains hors du berceau de l’humanité.
Alors accueillons ces lointains cousins avec hospitalité en n’oublions pas que nous leur devons probablement l’art, la culture et la technologie. Pour paraphraser un slogan de 68 : nous sommes tous des Homo africanus. (Source : le Point).