C’est un (Modèle Directeur), une pensée et un fondement sur lequel nous puisons nos motivations et nos engagements. Sans cela, il ne nous serait pas permis de parler du mythe fondateur de notre être qu’il faut ensuite éclairer en faisant la lumière de l’Afrique notre terre (Père-Mère). « C’est lui qu’il faut remplir de repères vitaux à découvrir ou à inventer progressivement pour enseigner aux enfants (…) l’histoire d’un destin lumineux et glorieux (Kâ Mana) ».
Les grands peuples ont toujours su s’identifier à ces mythes fondateurs, à une genèse ou à un berceau. Ils ont eu la possibilité de construire une origine, de l’inventer et de décider de s’engager à répondre à ses exigences. C’est un aspect ontologique, qui explique leur existence. Les Noirs/Africains souffrent déjà de la photographie d’un mauvais imaginaire social et d’une représentation du ciel contrôlée par une logique exclusiviste. S’ensuit une réflexion critique issue de l’étude du dialogue entre un chrétien et un païen, qui conduit à revisiter la question initiale à la lumière d’une pensée scientifique compatible avec la volonté Noire/Africaine de reprendre l’initiative historique, promouvoir l’identité de (Muntu) dans sa profondeur, et renouer avec sa mémoire historique sur terre comme au ciel. Y a-t-il des Noirs/Africains au paradis ?
La réponse est négative si l’on s’inscrit dans une vision idéologique et théologique qui maintient le (Muntu) dans la misère sociale, les ténèbres de l’erreur, du péché, du mal, de la culpabilité et de l’irresponsabilité, du sacramentalisme du baptême à tout prix. Elle est d’autant plus fataliste et péremptoire qu’elle émane d’une épistémologie de la malédiction de Cham et du salut des âmes. Nous ne pouvons croire à la capacité de ces âmes à répondre de leurs actes et à assumer leurs responsabilités. C’est pourquoi la philosophie scolastique, qui servait de support philosophique à une certaine pensée de l’Église catholique, reste incohérente. De ce fait, le ciel est avant tout l’apanage des autres.
Les rares Noirs/Africains ne peuvent accéder au paradis que s’ils sont rachetés par le sang de Jésus – Une conception totalisante et non statique du (Muntu Mwine) pourrait représenter une image de la personne humaine capable de répondre à ce qu’elle fait sur le jour du soi-disant jugement final. Si le ciel existe, il n’exclut ni les ancêtres Noirs/Africains ni les enfants n’ayant pas fait l’expérience du baptême. Même la souffrance n’empêche personne en Afrique d’accéder à la porte du ciel. Ce n’est pas l’apanage des riches de ce monde. Comme on le voit, il y a une réponse positive à la question posée, qui nous pousse à développer une idée respectueuse de la culture africaine et de son sens profond.
Ce n’est pas suffisant à dire, si le Noir/Africain se convertit à sa pensée originelle de la Vallée du Nil, celle qui a apporté à l’humanité tous les éléments de civilisation, celle qui renvoie au lieu natal d’émergence de l’idée de Dieu et de l’homme, celui qui le pense, s’il se réapproprie il lui sera donné d’aspirer uniquement à son (Kala Kakomba ka Mawesha), terre balayée par Dieu. Il sera constamment convaincu de son accessibilité à cette destination de fin d’existence terrestre qui n’est qu’un pèlerinage.
La terre balayée par Dieu n’est cependant pas un lieu de repos complet, mais nous continuons à y assumer nos responsabilités. Rien de commun, à cet égard, avec la croyance en une vie éternelle de bonheur sans fin avec Dieu et « tous les saints », dont se nourrit l’espérance chrétienne. Le ciel n’est pas au-dessus de nos têtes. C’est une sphère où nous vivons la vie supérieure tandis que la terre est une grande école d’expérience où l’esprit s’exprime à travers la matière. Aussi, il faut ajouter qu’un authentique Noir/Africain est un être éternel.
À sa mort, il pense avant tout à sa rencontre avec sa famille disparue (grands-pères, tantes, etc.) qu’il retrouvera dans l’au-delà et, par la suite, aux autres membres décédés de la communauté noire dont il est issu. Il ne pense pas spontanément à une représentation du ciel qui structure aujourd’hui l’imaginaire de l’homme africain. Il serait absurde de l’inviter à adorer la (Très Sainte Vierge Marie) à l’occasion d’un deuil. Une action de louange en ce sens n’est pas à l’ordre du jour comme en témoignent certaines familles africaines éprouvées et parfois révoltées.
Plus que quiconque, le Noir/Africain est un être naturellement éternel. Il est intrinsèque à la vie d’apprécier l’importance et la pertinence de l’éternité. C’est, dans une large mesure, au-delà de la vie. Cela nous permet de comprendre que le (Muntu) est un être destiné. Il ne lui suffit pas de faire le bien, de pratiquer la justice. Il lui importe aussi d’assumer son destin, dont le sens se définit au-delà de l’histoire. Ainsi perçue, l’idée d’éternité donne un sens ultime à la vie ici-bas.
La vie du (Muntu) se joue sur terre, mais elle a une dimension de destinée divine qui ne l’arrache pas à ses tâches sociales et l’amène à comprendre qu’il devra rendre des comptes à son Créateur et au Ancêtres fondateurs de son comportement envers la vie, la nature et les humains. Ci-dessus et ci-dessous : la vie des Noirs/Africains est un déterminant essentiel de l’expérience du paradis dans l’au-delà.