Chers frères et sœurs Noirs/Africains, entourez-vous du monde de votre imagination, car l’imagination est plus importante que la connaissance. Les connaissances sont limitées; tandis que l’imagination est illimitée; grâce à une imagination puissante, nous sommes capables de voyager à travers le monde. « Connaître le passé est une manière de s’en affranchir : prendre conscience de ce que nous sommes réellement nous libérera de toute influence coloniale ».
Modibo Keïta fut le premier président Malien; il défendit sa position anticoloniale tout au long de sa vie; il apporta un soutien matériel à l’Algérie et à son Front de libération nationale, refusa le maintien des bases militaires françaises au Mali et critiqua les essais nucléaires menés par la France dans le Sahara. Outre son engagement panafricain, il mena de nombreuses actions sociales au niveau national. Son orientation progressiste déplut à la France, qui organisa un coup d’État contre lui et porta Moussa Traoré au pouvoir. Ce dernier soumit la population malienne à 23 ans de dictature sanglante. Modibo Keïta, quant à lui, fut emprisonné dans des conditions épouvantables qui entraînèrent sa mort le 16 mai 1977.
Voici quelques extraits de discours qui reflètent sa personnalité :
Déclaration aux chefs de missions diplomatiques concernant l’évacuation des troupes françaises du territoire malien, le 20 janvier 1961 : Excellences, je vous remercie d’avoir bien voulu interrompre vos importantes fonctions et vos nombreuses occupations pour répondre à mon invitation. L’importance de cette communication exige que je vous la transmette personnellement. L’ambassade de France en République du Mali m’a informé de la décision de mon parti et de mon gouvernement de demander à la France d’évacuer les bases militaires de Bamako, Kati, Gao et Tessalit, qu’elle occupait en vertu des accords franco-maliens signés à Paris le 22 juin 1960 entre la France et la Fédération du Mali, accords devenus caducs après les événements des 19 et 20 août 1960 et la reconnaissance par la France du gouvernement du Sénégal, acte qui a officialisé la dissolution de la Fédération du Mali.
La République du Mali a affirmé sa volonté de coopérer avec la France sur la base de la non-ingérence dans nos affaires intérieures et du respect de notre souveraineté. La décision de mon parti et de mon gouvernement ne remet aucunement en cause cette volonté. Elle est l’expression de notre conviction que, sauf en cas de renonciation volontaire à la souveraineté par un jeune État ou d’accords spécifiques en matière de défense, les troupes de l’ancienne puissance coloniale ne peuvent être stationnées sur le territoire de l’ancienne colonie aux côtés des troupes du jeune État.
De plus, le peuple malien, l’Union soudanaise-RDA et le gouvernement de mon pays ont toujours affirmé leur attachement à une politique de non-alignement vis-à-vis des deux blocs. Cette position est incompatible avec la présence sur son territoire de troupes d’une puissance étrangère avec laquelle il n’a aucun accord contraignant et qui est, de surcroît, membre d’une alliance militaire appartenant à l’un des blocs. Je prie Vos Excellences d’informer vos gouvernements respectifs et d’attirer leur attention sur notre ferme décision d’obtenir le retrait rapide des troupes stationnées en République du Mali. Je vous remercie !
Déclaration relative à la cessation des hostilités en Algérie le 19 mars 1962 : C’est avec une joie immense que nous saluons l’événement heureux qui remplit aujourd’hui le cœur de tous les Noirs/Africains, engagés depuis longtemps dans la lutte contre le colonialisme : la victoire du peuple algérien. C’est le fruit de huit années de courage indomptable, de sacrifices consentis sans se plaindre, de persévérance sans relâche; le moment tant attendu de la victoire est enfin arrivé pour les Algériens, au terme d’une lutte ouverte, menée avec la foi en l’avenir, l’amour ardent de la liberté de leur patrie opprimée et la volonté du peuple algérien de rendre sa dignité à l’homme Noir/Africain.
Frères algériens, les milliers d’Algériens tombés sur les champs de bataille ne sont pas morts en vain. N’est-il pas vrai qu’ils ont rendu à notre belle patrie, l’Afrique, une partie de ses terres spoliées pendant cinquante ans ? Qui peut encore l’ignorer ?? C’est grâce à vous, frères algériens, par l’exemple des dignes pionniers que vous êtes, que les mouvements populaires Africains se sont engagés dans la lutte pour la libération du territoire national. Justice devait vous être rendue. Aussi, notre gratitude est immense, exprimée par la solidarité inconditionnelle de la République du Mali avec les frères de l’Algérie combattante. Cela témoigne de l’immensité de notre joie face à la victoire de ceux avec qui, depuis 1960, le peuple malien se sent solidaire.
La victoire du Front de libération nationale, qui a réussi à faire respecter la souveraineté et l’intégrité de l’Algérie africaine, est aussi la victoire de tous ceux qui, comme les Maliens, n’ont ménagé aucun effort pour assurer son succès. C’est une victoire pour le Front de libération algérien, une victoire pour l’Afrique combattante, mais aussi une victoire pour les peuples épris de paix, et en premier lieu le peuple français, qui voit ainsi cesser les sacrifices inutiles de ses soldats et de sa jeunesse, ainsi que le fardeau financier qui en découlait.
Discours prononcé à l’occasion de la revalorisation de la profession enseignante au Mali, le 19 juillet 1962 : Maliennes et Maliens, Chers Camarades,
Mes propos de ce jeudi s’adressent certes à vous tous, mais plus particulièrement à ceux d’entre vous qui sont les artisans de la culture et du progrès, ceux sans qui il n’y a pas de savoir, et qui ont la responsabilité de guider les pas du jeune Malien, héritier de notre glorieux passé, sur la voie de l’honneur et de la culture. C’est à vous, chers enseignants, qui accomplissez une mission noble, exaltante, mais difficile et souvent ingrate, souvent avec pour seule récompense la satisfaction du devoir accompli, que le Parti, en accord avec tous les travailleurs, a décidé d’accorder sa première attention en procédant à la revalorisation de votre profession.
Il y a trois ans, le Parti a décidé de promouvoir le travail agricole, qui demeure plus que jamais un impératif pour le développement économique de notre pays. La revalorisation du rôle de l’enseignant est également devenue aujourd’hui un impératif pour le développement national dans tous les secteurs. C’est pourquoi, sans minimiser la valeur des autres professions, le Parti a décidé d’accorder des avantages particuliers aux enseignants à tous les niveaux.


