La NAACP et le Congress of Racial Equality (CORE), créé à Chicago en 1942 par une cinquantaine d’étudiants majoritairement Blancs, militent pour une (seconde reconstruction), en référence à la reconstruction qui avait suivi la guerre civile américaine. Appelant à l’abolition des pratiques ségrégationnistes dans les écoles et les lieux publics, en particulier dans le Sud, ces mouvements revendiquent l’égalité raciale et le plein accès des Noirs/Africains aux droits civiques. « Une première victoire judiciaire est venue en 1954 grâce à un arrêt de la Cour suprême qui a rendu inconstitutionnel le principe de la ségrégation scolaire ».
En décembre 1955 à Montgomery (Alabama), l’arrestation de Rosa Parks, pour avoir refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus, déclenche un mouvement de boycott, d’abord spontané puis organisé, pendant plus d’un an. de la compagnie de transport par les noirs afin d’obtenir qu’elle mette fin à sa politique de ségrégation. Le mouvement ne s’arrête pas là et l’élan impulsé par le boycott de Montgomery ira jusqu’à la signature de la première loi sur les droits civiques en 1946. La personne qui en porte la responsabilité et une grande partie du mérite est un jeune pasteur noir, Martin Luther King.
Dans les années 1950, parallèlement à la dénonciation du colonialisme en Afrique et des violences racistes aux États-Unis, plusieurs militants Noirs/Américains engagés dans des mouvements pacifistes et non alignés cherchent à rapprocher des leaders nationalistes africains et des militants afro-américains. L’un d’eux, Bill Sutherland, qui vivait à Accra depuis 1953, a suggéré à Nkrumah d’inviter le pasteur King aux cérémonies d’indépendance du Ghana. Ce dernier est en effet l’étoile montante de la scène noire américaine, et les médias lui accordent de plus en plus d’importance depuis qu’il fonde, en janvier 1957, la Conférence des leaders chrétiens du Sud (Southern Christian Leadership Conference SCLC), qui regroupe plusieurs associations.
En mars 1957, Martin Luther King et sa femme Coretta arrivent à Accra. Ils ont été récupérés par Sutherland et un autre expatrié afro-américain, Robert Lee, qui les a présentés à Nkrumah et au chef du Tanganyika, Julius Nyerere. Dans la capitale ghanéenne, King a également rencontré le vice-président américain Richard Nixon, qui a ensuite accepté de le rencontrer plus longtemps aux États-Unis. Le 6 mars 1957, il écoute Nkrumah proclamer l’indépendance de son pays, qui devient le symbole de la lutte victorieuse pour l’émancipation et la dignité retrouvée des peuples Noirs/Africains : (Aujourd’hui, désormais, un nouvel Africain est apparu Et ce nouvel Africain est prêt à mener ses propres combats et à démontrer qu’après tout l’Africain est tout à fait capable de gérer ses propres affaires).
De retour aux États-Unis, après un court séjour au Nigeria puis en Europe de l’Ouest, où il rencontre Cyril Lionel Robert (C.L.R) James, King prononce un long sermon dans lequel il relate l’histoire récente du Ghana, de la désobéissance civile mouvement jusqu’à l’indépendance. Utilisant comme métaphore cette victoire contre le colonialisme à la sortie d’Egypte du peuple hébreu et comparant la lutte des Noirs/Africains pour leur libération à celle des Afro-Américains, King note que (le boycott n’est qu’un début et que la liberté ne vient que par une révolte persistante, par une agitation persistante, par un soulèvement persistant contre le système pervers). King prononcera son célèbre discours (I have a dream) à Washington six ans plus tard. Ponctué d’extraits de negro spirituals et de références bibliques, ce discours rappelle les accents du leader ghanéen en 1957 : (Enfin libres ! Enfin libres ! Dieu merci, nous sommes enfin libres !). Enfin libre! Enfin libre! Dieu tout-puissant merci, nous sommes enfin libres !
En réalité, si King revient particulièrement inspiré par son premier voyage en Afrique, la relation avec le continent et avec les forces panafricaines ne prend ni parti ni parti. Face à un panafricanisme modéré entré dans la routine avec la création de l’OUA en mai 1963, un courant plus radical se maintient autour des mouvements de libération qui rejettent le principe de non-violence et qui sont convaincus, depuis la fin de la guerre d’Algérie, que le colon doit être expulsé par la force.
Les thèses de Frantz Fanon, dont le livre : les Misérables de la Terre, paru en anglais en 1963 ont nourri la pensée des militants radicaux Noirs/Américains qui se sont reconnus dans le slogan (Black Power). Comme des combattants combattants dans les colonies portugaises et en Afrique australe. De son côté, King poursuit son action jusqu’au vote des lois pour les droits civiques de 1964 à 1965, puis étend son action à la lutte contre la pauvreté, la guerre du Vietnam et l’apartheid en Afrique du Sud. Peu avant son assassinat le 4 avril 1968, il a avoué qu’il aurait aimé donner plus d’importance à l’Afrique dans son combat et qu’il espérait faire un nouveau voyage sur le continent d’ici la fin de l’année 1968.
Enfin, conscient que (le gouffre entre le texte des lois et leur application est l’un des fondements du mépris que les défenseurs du Black Power professent à l’égard de la justice), King est également dépassé par une jeunesse noire prête à en découdre avec les police. Ces jeunes, ayant appris les stratégies de lutte au sein du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) créé en 1960 en Caroline du Nord, veulent plus de pouvoir. Dirigés par Stokely Carmichael, un étudiant de Trinidad qui avait pris ses distances avec King en 1966, ils revendiquent l’héritage radical et révolutionnaire de Malcolm X et une plus grande solidarité avec les mouvements de libération Africains.
Source : Amzat Boukari, Africa Unite ! Pages 216 à 218.