KONGOLISOLO
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Le Panafricanisme orphelin : la chute de Nkrumah, personnellement marquée par la guerre italo-éthiopienne de 1935 et par la crise Kongolaise de 1961 qui démontre comment (la communauté internationale), pilotée par les puissances dominantes, refuse de se mobiliser efficacement pour l’Afrique en suivant aux ordres ou aux revendications des Noirs/Africains, Nkrumah comprend très tôt la menace néocoloniale représentée par les alliances militaires qui lient les soi-disant grandes puissances, d’Occident ou d’Est, avec les régimes Noirs/Africains théoriquement indépendants (á l’instar des accords secrets de défense que Paris a fait signer á ses anciennes colonies Noires/Africaines au moment des indépendances)

Cependant, alors que l’écrivain Richard Wright, par exemple, lui avait conseillé de purger son armée des éléments britanniques et des officiers Noirs/Africains formés par l’ancienne puissance coloniale, Nkrumah a décidé au moment de l’indépendance de maintenir l’ensemble de la structure. Armée ghanéenne britannique. D’une part, il avait besoin d’une armée organisée pour influencer la politique continentale et, d’autre part, il estimait que les officiers britanniques ne pouvaient pas le trahir. Mais le doute s’installe dans son esprit lorsqu’il envoie des troupes ghanéennes au Kongo à l’été 1960. Ce dernier, commandé par un général britannique, Henry Templer Alexander, et un colonel ghanéen, Joseph Arthur Ankrah, ils ne purent défendre Lumumba.

Les deux hommes notent de leur côté que l’armée ghanéenne, jusque-là équipée par Londres, est approvisionnée en armes depuis Moscou et que Nkrumah, rompant avec la tradition qui voulait que les officiers ghanéens soient formés dans les académies militaires britanniques, souhaite envoyer des hommes se former en l’URSS. Craignant le virage socialiste de Nkrumah, les officiers britanniques ont expliqué qu’une armée ghanéenne hybride, disposant à la fois d’équipements soviétiques et britanniques, entraînée à Londres et à Moscou, ne pouvait pas fonctionner. Quant aux États-Unis, qui savent aussi que Nkrumah a lancé la construction d’une piste d’atterrissage dans le Nord du Ghana qui permet aux avions soviétiques arrivant au Ghana d’être livrés, via le Kongo-Brazzaville, aux rebelles prolumumbistes.

Pendant ce temps, dans une ambiance de plus en plus pesante, Nkrumah et Houphouët-Boigny s’accusent mutuellement de préparer des coups d’État. Ayant plaidé en vain, lors de la conférence fondatrice de l’OUA en mai 1963, pour la mise en place d’un haut commandement militaire et d’une armée africaine, afin d’éviter d’avoir recours à des forces étrangères, Nkrumah durcit son régime dans les années suivantes : il purgé une partie de son armée et renforcé les pouvoirs du Bureau des Forces Armées, créé pour former idéologiquement les soldats. Lorsque le gouvernement blanc de Rhodésie du Sud (Zimbabwe), dirigé par Ian Smith, proclama l’indépendance unilatérale du pays au profit de la minorité blanche, en novembre 1965, Nkrumah annonce qu’il est prêt á envoyer une armée si l’OUA n’intervient pas!

Le durcissement progressif de Nkrumah cristallise les oppositions externes et internes, contre lui. Le 24 février 1966, alors qu’il était en transit à Pékin pour rejoindre Hanoï où il devait participer aux pourparlers de paix sur le Vietnam, une junte militaire dirigée par le colonel Ankrah, celui-là même qui avait servi au Kongo, prend le pouvoir en Accra. Nkrumah se met très en colère et annonce son intention de retourner à Accra, avant de se résoudre à s’exiler à Conakry où il s’installe dans un ancien bâtiment colonial français, avec une délégation d’environ 80 personnes. Sékou Touré le nomme vice-président de la Guinée, mais avec un titre honorifique. Dans la capitale guinéenne, il se consacre à l’écriture, reçoit de nombreuses visites, et intervient régulièrement dans les médias. Jusqu’à sa mort, le 27 avril 1972, à Bucarest, Nkrumah était convaincu que son erreur n’avait pas été d’avoir noué des relations avec les pays de l’Est, notamment la Corée du Nord et le Vietnam, mais d’avoir maintenu des liens avec l’Occident.

La chute de Nkrumah arrange de nombreux dirigeants Noirs/Africains et leurs parrains occidentaux qui ne soutenaient plus son rapprochement avec le bloc soviétique et son soutien aux mouvements (subversifs) Noirs/Africains et Afro-Américains. Quelques jours après son renversement, l’OUA a reconnu la délégation envoyée par le nouveau régime ghanéen, ce qui a provoqué le départ de délégations de Guinée et du Mali, puis de Tanzanie, d’Egypte, du Kongo-Brazzaville et du Kenya. Solidaires de Nkrumah, ces délégations sont également en désaccord avec le ton trop consensuel du texte de l’OUA sur la crise rhodésienne.

Lorsque la junte du général Ankrah prend le pouvoir, elle annonce le limogeage des assistants soviétiques et est-allemands, tandis que l’ambassade de Cuba ferme. L’Allemagne de l’Ouest reconnaît immédiatement le nouveau régime ghanéen et les États-Unis envoient de nouveaux équipements aux putschistes. Pour éviter les accusations de néocolonialisme, les Britanniques attendent que le nouveau régime ghanéen soit reconnu par une dizaine de gouvernements africains pour faire de même. Si la carrière et la personnalité de Nkrumah, marquées par un singulier mélange d’autoritarisme, d’idéalisme et de mégalomanie, ne sont pas exemptes de critiques, chacun reconnaît que sa disparition de la scène politique africaine sonne la fin d’une période. Et que sa chute confirme en partie le bien-fondé des thèses panafricaines qu’il défend âprement depuis de nombreuses années.

Source : Amzat Boukari, Africa Unite ! Pages 196 à 198.

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