L’homme d’État haïtien Joseph Anténor Firmin appartient à cette dernière catégorie. Admis à la Société d’anthropologie de Paris en 1884, Firmin publie l’année suivante. (Sur l’égalité des races humaines) en réponse à l’Essai sur l’inégalité des races humaines de Gobineau (1853). Dans cet essai savant, Firmin montre que les sciences humaines, sociales et médicales de son temps discutent de l’inégalité ou de l’égalité des personnes alors qu’elles n’établissent pas les critères qui fonderaient (trouver) une telle inégalité.
En s’attaquant à l’esprit raciste et colonialiste au moment de la tenue de la conférence de Berlin (1884-1885), Firmin dresse un panorama de l’histoire intellectuelle et politique de l’Égypte, de l’Éthiopie, du Libéria et d’Haïti. En cela, il s’inscrit dans le même champ épistémologique que Blyden et devance les travaux d’égyptologie de Cheikh Anta Diop, plusieurs passages appuient la thèse d’une origine Négro-Africaine de la civilisation pharaonique.
Déterminé à réfuter la thèse de l’infériorité des peuples Noirs/Africains tout en reconnaissant le stade de développement économique plus avancé des nations européennes, Firmin soutient, comme Blyden, qu’à conditions économiques et sociales égales, un Noir/Africain possède autant de capacités intellectuelles et professionnelles qu’un homme Blanc (ce qui l’amène d’ailleurs à prophétiser l’élection d’un homme d’origine africaine à la présidence des États-Unis d’Amérique), Dans ses écrits, l’anthropologie, qui servira par la suite d’ambassadeur d’Haïti au Venezuela, offre également une perspective géopolitique Analyse de la Caraïbe. Comme le révolutionnaire cubain José Martí, qu’il rencontra en 1893, Firmin estima qu’il fallait dépasser les conflits raciaux qui minaient cette région et mettre en place une (Confédération antillaise) pour contrer l’hégémonie naissante des États-Unis.
Un autre Haïtien, Bénito Sylvain, voit encore plus loin. Journaliste et écrivain formé à Port-au-Prince et à Paris, proche du Cardinal Lavigerie qui lui a valu une audience auprès de Léopold II, Roi des Belges, Sylvain s’est néanmoins engagé dans la critique de l’assimilation religieuse et culturelle, ainsi que dans la dénonciation de colonialisme. Nommé enseigne de la marine haïtienne en 1893, il s’installe ensuite à Paris. De son poste de président du Comité d’Afrique Orientale de la Société Ethnologique, il suit la victoire de l’Éthiopie sous Ménélik II contre les Italiens à Adoua en 1896.
En janvier 1897, Sylvain entreprend un voyage au péril de sa vie pour rejoindre l’Éthiopie afin d’exposer l’audience devant l’empereur à la situation d’Haïti et des Noirs/Africains des Amériques. Devenu aide de camp de Ménélik II, Sylvain tente alors de rapprocher Haïti, le Libéria et l’Éthiopie, les 3 premiers États Noirs indépendants, pour former une coalition politique.