En réalité, les railleurs et les peuples, qui se trouvent être des détracteurs de l’animisme, sont des animistes dans leurs faits et gestes. Du point de vue de la religion, l’animisme est considéré comme étant une doctrine qui fait de l’âme le principe de tous les phénomènes vitaux. C’est ainsi qu’Eugène Bourdet, dans son livre « Principes d’éducation positive », abordant le sujet sur l’animisme, écrit ceci : « Dès lors, plus d’hypothèses inutiles sur des forces vitales, sur un animisme distinct ou indistinct ; plus de disquisitions oiseuses sur les causes premières, inaccessibles à notre curiosité, autant qu’éloignées de notre but pratique. (…)». Quant à Sophie Chautard dans sa « Géopolitique du XXème siècle et du nouvel ordre mondial », déclare que : « s’il existe un certain nombre de religions traditionnelles, l’animisme en est la forme la plus importante. »
Anthropologiquement parlant, l’animisme est une perception d’une identité commune à tous les êtres vivants en même temps que d’une différenciation nette entre les différentes formes de manifestation de ce vivant. Selon Philippe Descola, dans cette perspective : « L’animisme est la propension à détecter chez les non-humains (animés ou non-animés, c’est-à-dire les oiseaux comme les arbres) une présence, une « âme » si vous voulez, qui permet dans certaines circonstances de communiquer avec eux. (…). A ceci s’ajoute que chaque catégorie d’être, dans l’animisme, compose son monde en fonction de ses dispositions corporelles (un poisson n’aura pas le même genre de vie qu’un oiseau, un insecte ou un humain) ».
Pour l’historien David Freedberg, « L’animisme que nous tendons à attribuer aux seules civilisations primitives est aussi présent, « transhistoriquement,» dans notre rapport aux images à travers le degré de vie que nous leur imputons. Ainsi des formes chrétiennes de dévotion populaire créditant certaines statues du pouvoir de parler, bouger, ou saigner ; statues qu’on lave, habille, fait danser, complimente ou dont on baise les mains. Ainsi encore l’iconoclasme religieux et du vandalisme artistique qui confortent la réalité ou la vitalité prêtée aux images dans le temps même où ils prétendent les détruire » (Delon, Brigitte, et Monique Jeudy-Baillini : « L’art primitif dans le discours des collectionneurs »).
Ainsi, personne ne peut priver à l’animisme sa place de choix dans même dans notre société moderne. Dans cette tradition, l’arbre, la rivière, la pierre, l’animal, la montagne ne sont pas de simples objets, mais des entités habitées d’une énergie, d’une mémoire, d’une voix. L’animisme enseigne la réciprocité avec le vivant, le respect des équilibres naturels, et la sagesse transmise par les ancêtres. C’est une spiritualité enracinée, proche de la terre et de la communauté.
Contrairement aux religions importées qui ont parfois nié l’identité culturelle des peuples Noirs/Africains, l’animisme n’a jamais exigé l’oubli de soi, ni le rejet de ses ancêtres ou de sa langue. Il invite plutôt à se reconnecter à sa lignée, à son territoire, à son histoire. C’est une voie de connaissance, de responsabilité et d’harmonie.
Aujourd’hui, face aux crises identitaires, écologiques et spirituelles, revaloriser l’animisme ne signifie pas un retour en arrière, mais une réaffirmation d’une spiritualité africaine authentique, porteuse de sens, de dignité et d’équilibre pour un meilleur avenir des peuples en harmonie avec la Nature et des lois immuables et éternelles.
Nuru Afrika