Quelques jours après que les électeurs congolais se soient rendus aux urnes, Mme Zerrougui, représentante spéciale du secrétaire général de l’Onu en République démocratique du Congo a déclaré que pour elle, les élections se seraient déroulées correctement : « J’étais présente en 2011. Si l’on compare ce qui se passe aujourd’hui aux tensions de l’époque, je pense que cette campagne s’est plutôt mieux déroulée. Certes, il y a eu des entraves. Mais globalement, les candidats ont pu faire campagne ».
Le comptage est en cours, mais les résultats provisoires ne sont pas attendus avant le 6 janvier ce qui n’empêche pas les principaux candidats de revendiquer dès maintenant leur victoire. Les principaux candidats ont l’ancien ministre de l’Intérieur du Président Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary, candidat du parti au pouvoir, et les deux principaux candidats de l’opposition M. Fayulu, un ancien dirigeant du secteur pétrolier, et Felix Tshisekedi, le fils de feu Etienne Tshisekedi.
Le président Kabila a insisté sur le fait que l’élection était libre et juste et s’était bien déroulé, même si selon les observateurs plusieurs cas de fraudes semblent avoir été découverts « Trois sacs contenant des bulletins de vote cochés au nom d’un candidat président de la République ont été ramassés mardi 1er janvier matin au bord d’une rivière à Kidodobo (…) Quand ils observent dedans, ils constatent que ce sont des bulletins de vote cochés président Tshisekedi Numéro 20. » rapporte Radio Okapi.
Les deux candidats de l’opposition accuse ouvertement le pouvoir d’orchestrer les conditions empêchant une passation sereine du pouvoir. Ainsi dans une interview accordée à la BBC, M. Fayulu a accusé l’armée d’avoir poussé les électeurs de certaines régions à voter pour M. Shadary alors que de son côté M. Tshisekedi a accusé le gouvernement d’avoir créé un désordre le jour des élections afin d’enclencher des poursuites judiciaires lui permettant de rester en place.
Le pouvoir ne doit pas être très serein car outre le fait qu’il ait coupé le signal FM de RFI mardi 1er janvier, le Gouvernement a aussi coupé Internet dans la capitale, Kinshasa, et dans les principales villes de Goma et Lubumbashi, dans l’est du pays, considérées comme des places fortes de l’opposition. Selon des propos rapportés par l’AFP, les principaux fournisseurs d’accès Internet ont confirmé qu’ils avaient agis sur ordre du Gouvernement ce que confirme à l’AFP le conseiller diplomatique du président Kabila, Barnabe Kikaya bin Karubi : « Il y a des gens qui intoxiquaient la population avec de faux chiffres concernant les élections. Et cela préparait la population à un soulèvement populaire (référence aux sondages des dernières semaines donnant vainqueurs les candidats de l’opposition) Le Conseil national de sécurité a décidé qu’il était impératif de couper internet pour permettre à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de terminer la compilation et l’encodage des résultats des élections. »
Le président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis, Ed Royce (R-CA), a publié une déclaration sur les élections d’hier en République démocratique du Congo : « Les élections retardées d’hier n’étaient ni libres ni équitables. Plus d’un million de personnes dans les principaux bastions de l’opposition ont été empêchées de participer. Ailleurs, les informations faisant état de longues files d’attente, de dysfonctionnements des machines à voter et de matériel d’électeur manquant étaient répandues. “Rien de tout cela n’est une surprise. Pendant des mois, les forces de sécurité de la RDC ont réprimé des militants et des journalistes favorables à la démocratie alors que le successeur choisi par Joseph Kabila tentait de gagner du terrain dans les sondages. Des centaines de personnes ont été arrêtées et de nombreuses personnes tuées.
Les États-Unis doivent redoubler d’efforts pour soutenir le peuple congolais, qui souhaite une transition pacifique et un gouvernement qui réponde à ses priorités. Nos partenaires européens et africains doivent également agir. Les irrégularités signalées lors des élections doivent être abordées. Les votes doivent être comptés de manière transparente et rapide. Et ceux qui ont sapé le processus démocratique en RDC doivent être tenus pour responsables. »
Malgré les différentes contestations et les éventuelles fraudes, il n’est pas évident que le candidat du pouvoir puisse être élu malgré ses déclarations à l’emporte-pièce dès le matin des élections « J’ai déjà gagné. Je serai élu, c’est moi le président à partir de ce soir », avait affirmé Emmanuel Ramazani Shadary, en sortant d’un bureau de vote. Selon les derniers sondages et les échos sur place, il est plus probable que le candidat en tête de cette élection qui se déroule à un seul tour soit plus surement Martin Fayulu qui deviendrait alors le nouveau président de la RDC conformément à plusieurs sondages commandés juste avant les élections par le Groupe d’Etude sur le Congo (GEC) de l’Université de New York qui donne le principal candidat de l’opposition vainqueur avec plus de 40% des suffrages. Les mêmes sondages précisant que la majorité des personnes interrogées sont prêtes à manifester contre des élections truquées ou si Shadary l’emportait.
Le président Joseph Kabila est au pouvoir de 17 ans et il a promis le premier transfert démocratique du pouvoir en RDC depuis l’accession du pays à l’indépendance de la Belgique en 1960.