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Zera Yacob, philosophe rationaliste de l’Éthiopie du XVIIe siècle : dans une Éthiopie hautement alphabétisée où l’enseignement traditionnel est particulièrement marqué par le christianisme et le monarchisme, plongé dans des querelles religieuses dans le plus ancien État indépendant du monde

État dont une personnalité, dotée d’une intelligence supérieure à ces contemporains, la philosophe Zera Jacob d’Abyssinie. Le philosophe et sociologue Nsame Mbongo livre une analyse approfondie de la brillante philosophie de Zera Jacob Alias Warque sous le titre « Zera Yacob et ancienne philosophie éthiopienne » Publié dans le riche numéro de la revue African presence N 171.

Nous présentons ici une synthèse de ses arguments. Né en 1599 et mort en 1692, lui qui a consacré une vie de simplicité à la recherche de la vérité, à la réalisation en raison du projet divin de la liberté humaine exercera les professions de précepteurs, d’enseignants, d’écrivains et d’imitateurs. Issu d’une famille modeste, ses parents étaient des agriculteurs de la classe moyenne. Ils ont appris à l’école traditionnelle les écritures sacrées, leurs interprétations, la poésie, la musique sacrée, la littérature à Geze.

Son œuvre en langue éthiopienne, la guèze est consignée dans son chef-d’œuvre philosophique, écrit finalement par son fidèle disciple Walda Heywat le traité de Zera Jacob en 1667. Ce qui frappe dans l’œuvre de Zera Jacob, c’est ce désir incandescent de trouver le la vérité, au-delà des opinions populaires entachées des choses qui caractérisent l’être humain.

Car seul le tribunal de la raison détermine finalement la vérité, qui se produit à la fois sur la bonté divine et sur les lois de la nature, qui ont été révélées par cette enquête rationnelle. Ce rationaliste très pieux et croyant n’a réussi à construire ses convictions que sur la raison, la logique, l’enquête et l’expérience. Cette approche de la philosophie et de l’enseignement ne vaut pas la louange de Zera Jacob au contraire, au cours de la trentième année de ses investigations, dans une Éthiopie où les querelles religieuses et herméneutiques se mêlent aux intérêts des savants et des monarques, son enseignement les dérange.

Un prêtre d’axiomes ira le calomnier auprès des monarques, l’obligeant à un exil vers le sud du pays près de la rivière Takkaze pendant deux ans dans une grotte. Ce fut pour lui, une opportunité d’une vie dans le plus grand dénouement, mais aussi une période de maturité de ses œuvres philosophiques. Son approche philosophique parvient à une pensée systématique avec le discernement, la raison et l’enquête comme axes méthodiques, une éthique naturiste se référant aux lois de la nature voulues par Dieu, mais sur lesquelles il interviendrait davantage et que l’humain atteindrait librement par son action raisonnée anthropologie qui Nsame Mbongo qualifie d’humaniste chez Zera Jacob d’Abyssinie et qui lui donnera beaucoup d’avance sur ses congénères, et le mettra en porte à faux avec certaines croyances. 

Le philosophe Daxoum déduit avec légalité les lois de la nature et de la création entre des hommes qui s’opposent par la suite à l’esclavage et plus précisément sur ce point à l’islam. Il aura une position similaire sur le mariage monogermique. Notant que la nature avait mis à égalité les hommes et les femmes que la loi de la procréation oblige à reproduire l’entrelacement charnel, il affirme que cela ne devrait subir aucune stigmatisation religieuse contrairement à la condamnation judéo-chrétienne et aux abstentions de bon ton de l’époque, puisqu’il s’agit de confirmer ce que la raison entend par lois naturelles. Il en déduit que le mariage polygame illégal en Islam ne peut pas avoir Dieu comme fondement mais plutôt l’interprétation erronée des hommes car cela priverait certains d’entre eux de la possibilité de se reproduire, une loi naturelle voulue par le créateur.

De même, il critique les écritures dans les livres de Moïse et la notion répondue de peuples élus au nom de l’égalité des hiérarchies créatives que cette notion contredirait, un destin glorieux pour l’un au pire servile pour les autres. Ce ne serait pas un mot divin mal interprété. Ce pieux penseur ne s’empêche pas de se distancier du tout religieux et des textes de référence, en distinguant l’opinion de ce que pourrait être la volonté de Dieu révélée par la raison, et la liberté humaine voulue par ce même Dieu au nom duquel l’homme pouvait librement réaliser lui-même.

Ce qui l’a conduit à une recherche approfondie d’herméneutique et de critique permanente. La vie et l’œuvre philosophiques indigènes du philosophe Zera Jacob d’Abyssinie d’Éthiopie sont une source importante de l’histoire universelle des idées et du rationalisme. Elle pourrait encore éclairer l’Afrique et la remettre en débat face à la prolifération des superstitions, aux retombées des valeurs de vivre ensemble entre l’homme et la nature entre les générations, expliquent le pillage éhonté des ressources collectives par certains. Aussi l’incapacité, la réticence à les défier par d’autres.

Le travail de Zera Jacob de Abyssinie reflète également l’importance des langues autochtones dans le développement intellectuel et économique puisqu’il a utilisé sa propre langue pour établir un système de pensée moderne de son temps.

Zera yacob

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