Fils d’un général de l’armée du Borno, celui-ci se retrouve capturé et réduit en esclavage par des Touaregs en 1851. Bien, souvent, dans cette situation, les hommes et femmes de la région sont amenés de force à travers le Sahara pour être vendus comme esclave dans le Maghreb. Dans la plupart des cas, les historiens perdent leur trace à partir de ce moment. Ce n’est pas le cas de Sa’id.
Grâce au récit autobiographique exceptionnel de Sa’id, il est possible de comprendre le parcours de nombreux esclaves du commerce transsaharien. Celui-ci est tout d’abord vendu à Abd-el-Kader un marchand de Katsina (Nigeria actuel). Ce dernier lui fait traverser le Sahara dans une caravane avant de le vendre à Mourzouq une oasis du Sahara (Libye actuelle) à un officier albanais de l’armée ottomane appelé Aga Abdy. Cet officier emmène Sa’id à Tripoli pour le confier à son père Hadji Daoud. Ce dernier part avec lui en pèlerinage à la Mecque, mais doit le vendre une fois revenue à Tripoli. Sa’id est cette fois vendu à un Ottoman d’Izmir et se fait remarquer pour ses talents. Il devient l’esclave de différents aristocrates ottomans plus ou moins proches du pouvoir. Le dernier sera Moustapha Reschid Pacha, l’un des plus importants réformateurs ottomans des Tanzimats.
Le parcours exceptionnel de Sa’id ne s’arrête pas là. L’ambassadeur russe à Istanbul, le prince Alexandre Sergueïevitch Menchikov remarque Sa’id et fait pression sur Reschid Pacha pour qu’il le lui vende. Ce dernier refuse, arguant du fait qu’il ne peut légalement vendre un esclave en dehors de l’empire ottoman.
D’après l’autobiographie de Sa’id, Reschid Pacha cède et donne Sa’id à Menchikov. Sa’id devient le valet de Menchikov, mais aa frontière entre servitude et domesticité reste mince. En 1853, l’ambassadeur russe se retire d’Istanbul à cause des tensions entre les deux pays qui conduiront à la guerre de Crimée. Sa’id voyage avec Menchikov en Russie et se rend à Saint-Pétersbourg via Athènes, Vienne et Cracovie. Une fois arrivé, Sa’id devient officiellement libre et se fait engager comme valet auprès du prince Nikolaï Petrovitch Troubetskoï. Celui-ci lui demande de se baptiser et le 31 octobre 1855 à Riga, Muhammed Ali Sa’id devient Nicholas Said, un chrétien orthodoxe. Sa’id fait alors le tour de l’Europe : il visite Aix-la-Chapelle, Salzburg, Munich, Rome, Marseille, Paris, Londres.
Après avoir mis pied en Afrique, Asie et Europe, Sa’id part en décembre 1859 en Amérique grâce à sa nouvelle position de valet auprès d’un Néerlandais, Isaac Jacobus Rochussen. Son chemin avec les époux Rochussen l’emmène aux Etats-Unis, aux Bahamas, à Haïti, au Suriname avant de revenir aux Etats-Unis avec un détour par le Canada. Rochussen ne peut plus payer Sa’id et s’enfuit alors avec de l’argent que Sa’id lui avait prêté. Début 1863, Sa’id s’engage dans le 55e régiment du Massachusetts et se bat aux côtés de l’Union pendant la guerre de sécession.
- Il obtient le grade de sergent et se fait remarquer pour son intelligence, lui le polyglotte à l’histoire exceptionnelle;
- Son autobiographie, pourtant, ne dit rien de cette période où Sa’id se bat pour l’Union;
- Ce sont des sources américaines qui confirment l’engagement extraordinaire de Sa’id;
- La photographie en uniforme est un exemple frappant de ce parcours atypique;
- Il s’installe définitivement aux Etats-Unis et enseigne le reste de sa vie (y compris le français);
- Il écrit son autobiographie à l’âge de 37 ans et la publie tout d’abord en 1867 dans la revue Atlantic Monthly;
- Une version plus complète est publiée à Memphis en 1873 sous le nom de The Autobiography of Nicholas Sa’id; À Native of Bornou, Eastern Soudan, Central Africa;
- Cette histoire exceptionnelle à plus d’un titre contient de tels détails (trop de détails ?) sur chaque période de la vie de Sa’id que personne n’a vraiment douté de son authenticité;
- Il reste toujours des zones d’ombre sur la vie exceptionnelle de cet ancien esclave qui a passé la plus grande partie de sa vie à voyager.
Par exemple, on apprend par d’autres sources que Sa’id s’est marié deux fois en 1874. La date de sa mort est même incertaine. Est-il mort en 1882 ou plus tard ??
L’histoire de l’esclavage transatlantique est de mieux en mieux connue, mais celle de la traite transsaharienne reste plus difficile à cerner. Le récit autobiographique de Sa’id fournit non seulement des renseignements sur sa capture, mais aussi sur les réseaux commerciaux qui l’ont amené d’Afrique, en Asie, en Europe puis en Amérique. À quand une série télévisée sur la vie et le monde de Sa’id ??