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Devoir de Mémoire – Les révolutionnaires et Walter Rodney, à l’école de Dar es Salaam, ont proposé un nouveau modèle de développement. Le régime du premier président Tanzanien, Julius Nyerere, est devenu la cible des forces réactionnaires Noires/Africaines et de leurs homologues occidentaux lorsque des intellectuels ont été expulsés d’Accra après la chute de Nkrumah, ou étaient en désaccord avec Le Caire ou Conakry : Trouvant refuge à Dar es Salaam, la capitale a également accueilli toutes les figures révolutionnaires et internationalistes Noires de passage sur le continent (Malcolm X, C.L.R. James, Stokely Carmichael, mais aussi Che Guevara); « Ces personnalités sont venues rencontrer les différents mouvements de libération d’Afrique australe »

Le Congrès national Africain (ANC) Sud-Africain, l’Union nationale Africaine du Zimbabwe (ZANU) et l’Organisation du peuple du Sud-Ouest Africain (SWAPO), dirigée par Samuel Nujoma, ont également établi des bases en Zambie, puis en Angola après 1975, afin de libérer la future Namibie de l’occupation Sud-Africaine. Dans la lutte contre le colonialisme portugais, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) et le Front de libération du Mozambique (FRELIMO) se sont également implantés en Tanzanie. Le premier y a rencontré son allié cubain, qui s’impliquait de plus en plus à ses côtés. Le second a installé son quartier général à Dar es Salaam et des camps d’entraînement pour ses combattants dans le sud du pays.

Cependant, les dissensions internes au sein des mouvements de libération ont conduit les diplomates tanzaniens à faire des choix, en concertation avec leurs homologues cubains, vietnamiens et chinois, qui jouaient un rôle logistique important auprès des combattants anti-impérialistes. Intermédiaire indispensable pour l’acheminement d’équipements (armes, médicaments, vêtements) aux armées de libération s’entraînant sur son territoire, la Tanzanie a réussi l’exploit de soutenir les guerres de libération sur le continent tout en préservant la paix à ses propres frontières. Tous les mouvements progressistes occidentaux, et notamment ceux des pays scandinaves, très engagés dans le soutien aux peuples du Tiers-Monde, ont noué des relations avec la Tanzanie.

La radio et la presse nationales tanzaniennes furent mises au service de la propagande anti-apartheid, et Dar es Salaam accueillit les réfugiés des pays voisins en guerre, leur accordant l’asile ou la citoyenneté tanzanienne. Conformément à la Charte de l’OUA, rédigée en français et en anglais mais stipulant que les langues africaines devaient devenir des langues officielles, le régime de Nyerere se distingua des autres régimes africains, encore dépendants des langues coloniales, en faisant du kiswahili la langue officielle de l’administration et du système d’enseignement primaire et secondaire. « Cependant, il refusa que la politique d’africanisation de l’administration ne profite qu’aux Tanzaniens et décida d’ouvrir la fonction publique aux étrangers ».

C’est dans ce contexte que l’historien britannique Blanc Terence Ranger, expulsé en 1963 de Rhodésie du Sud (Zimbabwe) en raison de ses publications scientifiques sur l’histoire de la résistance anticoloniale, rejoignit la nouvelle Université de Dar es Salaam pour y créer le département d’histoire. Il y accueillit en 1966 et 1967, puis de 1969 à 1974, l’historien guyanais Walter Rodney, dont les travaux sur la lutte contre l’impérialisme firent de la Tanzanie le foyer intellectuel révolutionnaire de l’Afrique de l’Est, de l’Afrique et du Tiers-Monde en général, comme l’a souligné l’écrivain kényan Ngugi Wa Thiong’o. Intellectuel engagé, disciple dissident de C.L.R. James et partisan critique de Julius Nyerere, Rodney cristallisa une grande partie de l’activité idéologique visant à extraire le panafricanisme de la gangue conservatrice et bureaucratique dans laquelle il s’était progressivement enlisé avec la création de l’OUA, afin de décoloniser l’enseignement de l’histoire en y intégrant les résistances populaires et en redonnant à la diaspora Noire la place qui lui revenait.

Concrètement, Rodney a dispensé les premiers cours d’histoire consacrés aux Noirs des Amériques à l’Université de Dar es Salaam, ce qui a incité de nombreux étudiants afro-américains et caribéens à venir étudier en Tanzanie. Il a également enseigné l’économie politique et l’histoire des révolutions (américaine, britannique, chinoise, française, russe; Etc.), les reliant aux luttes de libération en cours sur le continent africain. Convaincu que les révolutionnaires doivent harmoniser leur mode de vie avec leurs convictions politiques, Rodney a encouragé ses étudiants à ne pas se contenter de la facilité et du confort matériel offerts par le système capitaliste, et à ne pas opposer le travail intellectuel au travail manuel.

En se rapprochant des paysans, il cherchait également à ouvrir l’ensemble de la société au débat et à l’histoire. De plus, Rodney était l’un de ces intellectuels engagés qui se rendaient dans les camps des mouvements de libération établis en Tanzanie pour donner des conférences sur les mécanismes de l’impérialisme, et qui n’y allaient jamais les mains vides : il utilisait les revenus de ses publications pour acheter des armes et des munitions aux combattants. « Rodney distribuait également des extraits, traduits pour l’occasion en portugais et en swahili, de son livre (Comment l’Europe a sous-développé l’Afrique), publié en 1972, que les combattants exilés faisaient passer clandestinement dans les territoires sous domination coloniale afin de nourrir intellectuellement la résistance intérieure ».

L’enseignement interdisciplinaire dispensé à l’Université de Dar es Salaam a contribué à réduire les différences sociales et ethniques. Ainsi, des Africains, des Afro-Américains, des Caribéens, mais aussi des Africains d’origine indienne expulsés d’Ouganda par le dictateur Idi Amin Dada (arrivé au pouvoir en 1971), se sont rencontrés et ont confronté leurs points de vue lors de débats passionnés sur le rôle des classes sociales et des intellectuels dans la révolution Africaine. Cette attitude critique, mais néanmoins favorable au régime de Nyerere, a conduit les professeurs Issa Shivji et Walter Rodney à affirmer que la Tanzanie menait une révolution silencieuse, sans le bruit des mitrailleuses. (Source : Amzat Boukari).

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