Lettre écrite depuis Bruxelles, le 20 novembre 1982, Au Citoyen Mobutu, Président Fondateur du M.P.R et président de la République du Zaïre à Kinshasa – Mt Ngaliema
Citoyen Président,
À l’occasion du dix-septième anniversaire de votre accession à la Magistrature Suprême de notre pays, permettez-moi de vous rappeler que dans ma lettre de démission, j’avais pris la ferme résolution de ne pas m’associer avec cette opposition irresponsable, pour m’embarquer dans un combat stérile contre vous et contre le régime qui m’a comblé de tant de bienfaits.
Dans le fond de mon cœur, je reste convaincu jusqu’à ce jour, tout comme les 27 millions de Zaïrois et de Zaïroises, que notre pays sans MOBUTU à la tête de l’État, et sans le MOBUTISME comme doctrine, est une nation qui sombrera dans les guerres tribales et les sécessions comme en 1960. En trahissant, et je l’avoue, la confiance que vous m’avez renouvelée, après mes erreurs de 1977 et ma condamnation à mort, j’ai voulu éviter de faire la démonstration publique de mes échecs.
En effet, mon mandat de Premier ministre comprenait des responsabilités qui étaient au-dessus de mes capacités physiques, morales et intellectuelles. J’avais de plus de lourdes présomptions à croire que mon éviction du gouvernement, dont le remaniement était imminent, entraînerait de graves sanctions à mon égard.
Mais le choix de Bruxelles, comme lieu d’exil est une erreur politique grave que je regrette profondément, car je me suis mis sans le savoir, sans le vouloir, à la disposition de ces Belges qui ont juré d’avoir votre tête, même si, pour cela, ils doivent recourir à votre élimination physique. Mon arrivée dans leur capitale était pour eux une chance inespérée. Ils ont exercé sur moi des pressions inimaginables, au point de me convaincre, qu’avec moi, dans l’opposition, votre chute n’était qu’une question d’heures. Mes ambitions et mon orgueil d’homme ont été fort flattés.
Deux années se sont écoulées. Je constate, hélas, qu’aux yeux des Occidentaux que je croyais, pourtant, être des amis sincères, je ne suis plus qu’un vulgaire traître et comme le principal responsable de l’assassinat de leurs compatriotes au Shaba. Du côté de mes frères zaïrois, ma condamnation est sans appel. Ils ne me pardonneront jamais mes erreurs de 1977, lors de la guerre du Shaba. Je n’ai donc plus qu’un seul choix : venir implorer très humblement votre pardon paternel pour la vraie trahison, celle d’avoir abusé votre confiance pour demander une seule chose : « Autorisez-moi à rejoindre tous les miens et à apporter ma modeste contribution à l’œuvre de renouveau national ».
Pour cela, je suis prêt à payer le prix, en acceptant dès à présent, toutes vos conditions. Veuillez agréer, Citoyen Président, l’assurance de ma très haute considération !