Phillis Wheatley (1753 – 5 décembre 1784) fut la première poétesse Noire/Africaine notoire et la première femme afro-américaine à voir ses oeuvres publiée. Née en Afrique de l’Ouest, au Sénégal, elle a été kidnappée lors de razzias par des Négriers Blancs bardés d’armes, et vendue comme esclave à l’âge de sept ans en Amérique du Nord.
Elle a été acheté par un certain John Wheatley et sa femme Susannah. Mary, la belle-sœur de M. Wheatley, voyant l’enthousiasme de Phillis, lui apprit à lire et à écrire, et encouragea sa poésie en lui prêtant des livres d’histoire, de géographie, d’astronomie et les œuvres d’anciens poètes tels (qu’Horace, Virgile, Ovide, Homer, Phillis entre deux tâches domestiques), s’imprègne de ce savoir et dépasse rapidement en culture les enfants des planteurs. Dès l’âge de 13 ans elle compose de beaux poèmes, flatte ses maîtres et l’exhibe en société. Évidemment ces poèmes ne sont pas encore d’une grande originalité, mais qu’ils existent relève déjà du miracle. Peut-on imaginer Victor Hugo, le soi-disant génie national français, pris dans une rafle à l’âge de sept ans puis, après avoir été asservi dans un pays lointain, composer à cet âge des poèmes dans une autre langue qu’il ne maîtrise même pas ?
Mais comme personne ne pouvait imaginer qu’une femme Noire/Africaine fût assez intelligente pour écrire de la poésie, elle fut convoquée pour défendre son talent lors d’un procès qui se déroula en 1772. Imaginez la droite dans son fauteuil, face à 18 examinateurs en perruques. On lui demande des renseignements sur les dieux grecs, sur les personnages de la Bible. Elle est soumis au supplice de la dictée, des conjugaisons grecques et latines. On lui a demandé de traduire des textes de Virgile, de réciter de sa tête des passages du (Paradis perdu) et même ses propres poèmes.
La jeune Phillis tient bon face à ses juges. Ainsi, après avoir recueilli les témoignages de son professeur, du gouverneur, du lieutenant-gouverneur et de 15 autres notables, le groupe d’érudits bostoniens chargés de l’examiner a finalement conclu qu’elle avait bien écrit les poèmes qui lui disaient être attribués et certifient que (la petite Nègre esclave) est bien l’auteur de ses textes.
Ils signèrent une attestation qui figurait dans la préface de son livre, Poems on Various Subjects, Religious and Moral, publié en 1773 à Londres, où il avait été publié faute d’acceptation à Boston. Phillis et son fils aîné Nathanial Wheatley se sont ensuite rendus à Londres, où Selina, comtesse de Huntingdon, et le comte de Dartmouth aidèrent à sa publication. Certains critiques considèrent la défense réussie de Wheatley devant le tribunal et la publication de son livre comme la première reconnaissance de la littérature Noire/Américaine.
Voici quelques événements importants dans la vie de Phillis Wheatley :
- 1753, Phillis Wheatley est née en Gambie ou au Sénégal;
- 1761, Capturé en Afrique et transporté en Amérique dans le navire Négrier Phillis. Phillis est arrivée en Amérique le 11 juillet 1761. Elle a été vendue à John Wheatley, Massachusetts pour travailler comme femme de ménage pour sa femme Susanna Wheatley. Phillis a été baptisée et nommée d’après le navire qui l’a amenée en Amérique, (Phillis);
- 1762, Phillis montre son intelligence et sa curiosité pour les livres. Elle a appris à lire et à écrire avec l’aide de Susanna et Mary Wheatley;
- 1767, Phillis Wheatley a écrit (Une adresse à l’athée et Une adresse au déiste). À publié son premier poème (Sur Mr Hussey et Coffin) dans le Newport Mercury;
- 1768, Wheatley écrit (Très Excellente Majesté le Roi) louant le roi George III pour l’abrogation de la loi sur le timbre;
- 1769, Wheatley écrit son poème (Atheism) qui ressemble à (Une adresse à l’athée), écrit deux ans plus tôt;
- 1770, Elle se fait connaître pour sa poésie après avoir écrit un hommage à George Whitefield, (Un poème élégiaque sur la mort de ce célèbre divin et éminent serviteur de Jésus-Christ, le révérend M. George Whitefield). Il était un évangéliste populaire et fut aumônier de Selina Hastings, comtesse de Huntingdon, qui devait devenir la patronne de Phillis;
- 1772, Phillis Wheatley a défendu sa paternité devant un tribunal devant 18 hommes à Boston, dont (John Hancock, John Ervin, Thomas Hutchinson et Andrew Oliver), qui ont ensuite écrit une attestation selon laquelle Phillis Wheatley était bien l’auteur de son propre travail;
- 1773, Phillis Wheatley se rend à Londres où son premier livre (Poems on Various Subjects, Religious and Moral) est publié. Le livre contient trente-neuf poèmes. Le recto de la première édition montre une gravure de Wheatley par Scipio Moorhead, l’esclave de John Moorhead. Le livre a été financé par Selina Hastings. La maladie de Susanna Wheatley a nécessité le retour de Phillis de Londres. À la mort de Mme Wheatley en 1774, Phillis fut libérée, mais continua à vivre avec les Wheatley jusqu’à la mort de M. Wheatley en 1778, date à laquelle elle dû quitter la maison;
- 1775, Phillis Wheatley écrit un poème (À son Excellence, George Washington), elle salue son héroïsme et soutient la guerre d’indépendance;
- 1776, George Washington invite Phillis chez lui pour une lecture privée afin de la remercier pour le poème;
- 1778, Phillis épouse John Peters, un homme Noir/Africain libre, avec qui elle a eu trois enfants;
- 1784, Wheatley a écrit (Une Eloge, sacrée à la mémoire du grand divin, le révérend et savant Dr Samuel Cooper). Cooper était pasteur de l’église Brattle Square et était un partisan actif de la révolution. Wheatley a écrit ce poème peu de temps avant sa mort. John Peters a été emprisonné pour des dettes impayées. Phillis a trouvé du travail dans une pension. Le 5 décembre, Phillis Wheatley est décédée à 31 ans.
Poème : Tout jeune encore, par un destin cruel, j’ai été arraché à l’Afrique, berceau fortuné. Quels tourments, quelles douleurs n’ont pas dû déchirer le cœur de mes parents ? Quelle âme de fer avait celui qui à un père ôta son bébé bien-aimé ?? Tel fut mon malheur. Je ne peux donc que prier. Que d’autres ne ressentent jamais cette tyrannie. Phillis Wheatley, Poèmes sur divers sujets, religieux et moraux !
Source : Lilian Thuram, mes étoiles Noires, page 109-115