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Ekang (Fang/Beti) le rite d’initiation Byeri : le Byeri ou Byer est un rite d’initiation secret et masculin pratiqué par les Ekang; c’était certainement l’initiation la plus essentielle et la plus importante pour un jeune Fang-Beti-Bulu « Le Byeri, c’est à la fois des reliques d’ancêtres que chaque famille tenait dans une boîte, une statuette en bois d’environ 25 à 50 centimètres, un rituel et l’Alan (Melan) plante; selon Samuel Galley, le Byeri est le fétiche Ancestor Skull, ou morceau de crâne humain dans une boîte en écorce (Nsekh ô byeri) »

Il y en a plusieurs dans la boîte, et celle-ci est souvent surmontée d’une statuette. Cela représente une divinité. Le païen Fañ prie le Byeri, il lui fait des offrandes, l’enduit de ba (poudre de bois rouge), de sang; il lui offre de la nourriture, puis la mange lui-même. Byeri ô ne va, il y a ici un Byeri. « Le Byeri est jugé capable de favoriser la chasse et la pêche, de rendre les femmes fécondes, de donner beaucoup de richesses ».

De nos jours, cette initiation est de plus en plus discrète et secrète, car durant la colonisation ce culte, comme la totalité des cultes africains, n’a été violemment combattu pas les missions occidentales. Accusés à tort de paganisme et de satanisme par les occidentaux qui ignoraient totalement ce que c’était, le Byeri comme d’autres cultes a dû résister pour survivre. Aujourd’hui, par la prise de conscience et en dépit des virulentes attaques des églises chrétiennes, le Byeri connaît une véritable renaissance.

Origine du Byeri :

L’origine du Byeri reste encore assez mal connue en raison d’absence de travaux historiques approfondis sur la question. Cependant, certains auteurs ont tenté de donner des pistes sur l’origine de ce rite ancestral. À partir d’une approche sémiotique, Nicolas Mba-Zuè tente d’élucider le problème. Il part d’un mythe qui met en jeu Nzame Si (l’aîné) et Nzame Yo (le cadet) dans le récit (Mitsim). 

Le Byeri, pour cet auteur peut se résumer à ceci : l’Homme est égal au Byer qui est égal à la vie. Pour Jean-Marie Aubame, l’origine du Byeri viendrait justement du culte voué à Nzame Ye Mebeghe. En effet, c’est Nzame Ye Mebeghe qui, avant de quitter les hommes, a légué l’Alan aux Fang pour établir le contact avec lui. Tu ne devras manger aucune autre herbe. Va au village de Nzame Ye Mebeghe, fais un bon voyage, retiens les avis, les conseils, et les interdits qui te seront donnée. Que cela soit ainsi ! C’est ainsi. L’origine du Byeri serait aussi liée à la migration ou à l’exode du peuple Fang-Beti-Bulu. Paul Mba Abessole précise pour sa part que l’origine du Byeri à proprement dit date (du de la) mort de Nane Ngoghe. En effet, c’est durant la marche dans le désert que Nane Ngoghe trouva la mort. Au moment de son départ, elle recommanda à ses enfants de conserver son crâne auprès d’eux afin de les protéger et de perpétuer sa descendance. 

Le culte ancestral :

À l’origine le Byeri est un culte ancestral qui permet d’établir un lien permanent entre les vivants et les ancêtres. Le Byeri, c’est à la fois le culte et un ensemble d’enseignements lié au lignage et à la famille. Dans la conception Fang-Beti-Bulu, l’ancêtre est l’axe de la société, le garant du monde vivant et de la vie future. À lui, se rattachent directement ou indirectement les manières de faire, les croyances, les rites, l’organisation sociale. En clair, le Byeri ordonnançait la vie politique, sociale et religieuse. Ainsi, au coeur de ce dispositif se trouve le père ou l’aîné de la famille (Nda-e-Bot). Il est en quelque sorte le dépositaire et l’intermédiaire entre l’ancêtre ou les ancêtres et les vivants. Dans ce sens, la connaissance de la généalogie (Endane) et sa transmission relie chaque Fang-Beti-Bulu à l’ancêtre primordial, à Dieu, à Nzame Ye Mebeghe. C’est à lui que sont dédiées les primaires, les lamentations et les adorations, mais aussi les offrandes.

Le rite en lui-même est constitué de la plante Alan (Hylodendron Gabunense), un Nsekh Byer (coffret cylindrique contenant le Byeri) et d’un Eyema Byeri (statuette de Byeri). L’initiation est organisée dans un lieu secret pour les non-initiés et pour les femmes en général. Les reliques sont souvent composées d’ossements d’ancêtres ayant démontré de son esprit de rassemblement, de sagesse, de bravoure ou de fécondité. Le crâne et les tibias sont les os privilégiés pour leur longévité et surtout pour leurs pouvoirs mystiques. 

Byeri et spiritualité :

Il est important de noter que le Byeri ne peut se comprendre sans avoir à l’esprit la conception endogène des croyances de ce peuple. Il est impossible d’ignorer la notion d’Evüs. L’Evüs désigne, une énergie, une puissance, une force ou un pouvoir logée dans l’abdomen de tout individu. Cette force mystérieuse est aussi assimilée à une petite bête qui ressemblerait un crabe. Un humain peut d’ailleurs en posséder plusieurs Bivü. La nature de chaque Evü varie en fonction du degré de cette énergie. Ainsi, on distingue trois catégories d’individus selon leur niveau d’Evü. On a Mye-MyeÑgoleñgol et Ñnem.

Le Mye ou Mye-mye désigne un individu qui ne détient pas d’Evü dans le corps. Il peut aussi signifier que la personne aurait les yeux complètement fermés et donc serait une innocente qui ne participe ignore le monde du Ngwel. Cette innocence ou naïveté serait même une sorte de protection ou de bouclier de défense. Ensuite, nous avons le Ñgoleñgole qui peut se définir comme toute personne possédant l’Evüs, mais qui ne s’en sert pas. Cette personne détiendrait un Evüs inactif ou passif, donc inoffensif. On dit de cette personne qu’elle n’est pas mauvaise, car elle ne sort pas en vampire ; elle ne mangerait pas les gens. Cependant, cet Evüs peut être réveillé ou activé un Nnem. Il peut arriver que le Ñgoleñgole s’en serve uniquement pour faire du bien ou pour observer ceux qui vont en vampire ou font la sorcellerie (Ngwel). On dit qu’il voit sans être vu

Enfin, un Nnem ou (Beyem) c’est celui qui possède un ou plusieurs Bivüs (Evüs).et qui s’en sert pour faire du mal. Il mange la chair humaine et va en vampire pour se nourrir. Etymologiquemment, les Beyem, ce sont ceux qui connaissent et qui détiennent des pouvoirs et des savoirs mystérieux. Les Beyem se transformeraient la nuit en chauve-souris et en hiboux. Comme on peut le voir, l’Evüs varie selon les personnes et serait un pouvoir neutre dont on peut se servir pour faire du mal ou du bien. Ce qu’il faut préciser, c’est que l’Evüs s’acquiert de façons diverses. Les notions d’Akomga et d’Akaghe permettent de comprendre les modalités d’acquisition de l’Evüs. 

La statuaire Byeri :

À la différence du rite, la statuaire du Byeri est très connue des marchés d’art et des musées occidentaux. En effet, les reliquaires Byeri ont acquis une très solide réputation. Ces statuaires sont très prisées par les collectionneurs, les ethnologues et les musées. Les ventes et les expositions de ces objets continue de drainer du beau monde. À plusieurs reprises d’ailleurs les reliquaires Byeri comme les masques Ngil connaissent des prix record sur le marché de l’art africain. En juin 1990 un reliquaire Byeri de la région de Chinchoua (près de la Pointe Denis dans la province de l’Estuaire du Gabon) avait été vendu à 2,5 millions de Francs français. Depuis lors, les prix des Byeri continuent de s’envoler. Comme en 2001 et 2006, la vente d’un reliquaire Byeri a atteint le million d’euro en 2001 avec la belle vente aux enchères de 2,5 millions d’euros pour une extraordinaire figure de reliquaire byeri Fang Mvaï du Gabon. 

Cette bonne santé des reliquaires de Byeri témoigne de la curiosité que continuent de susciter cette (laideur pahouine). Ce succès est probablement dû aux techniques de sculpture de ces belles patines parfois suintantes. Le peuple Fang-Beti-Bulu “a transcrit dans le bois l’une des plus raffinées sculptures funéraires que l’humanité a créées. Hiératiques et figés pour l’éternité, balançant entre délicatesse et sévérité, les gardiens-reliquaires appartenant au culte du Byéri séduisent par leur (classicisme) et l’harmonie de leurs proportions. C’est incontestablement de grands sculpteurs qui ont taillé dans le bois ces figures luisant encore sous leur belle patine. Le front haut et bombé, le regard hypnotique souligné par de lumineuses rondelles de laiton, ces noirs messagers sont à mi-chemin entre le monde des morts et celui des vivants : ni vieux, ni jeunes, ni présents, ni absents” Cette technique sculpturale a été examiné avec précision par l’ethnologue français Louis Perrois durant plus d’une cinquantaine d’années dans de nombreuses publications scientifiques ainsi que par des contributions sur les catalogues dédiés à l’art Fang.

Aujourd’hui, l’art africain en général soulève de nombreuses questions dont les plus épineuses restent celles du retour et des modalités d’acquisitions de ces objets. Acquis pour le plus part dans des conditions douteuses par des explorateurs, des marins, des administrateurs coloniaux, des missionnaires et des ethnologues occidentaux, les reliquaires, masques, statuettes et autres objets africains continuent d’alimenter la polémique quant au remboursement ou au versement de devises aux pays africains qui ont été pillés. Enfin, la question de savoir si ces objets sacrés et cultuels sont des objets d’art qui méritent d’être exposés en public ? 

Photo : la statuaire Byeri Fang (Betsi) Africa Menil Marius

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