Le Journal l’intransigeant même titre; Siki donnerait la moitié de ses victoires pour devenir Blanc. Son propre manager n’est pas en reste puisqu’il déclare dans la presse que (Siki a du singe en lui). Dans la transcription de certaines interviews, on lui fait parler un français approximatif, (petit Nègre) comme on dit à l’époque, alors qu’il parle et écrit un français parfait.
Battling Siki a répondu à ces attaques en disant : de nombreux journalistes ont écrit que j’avais un style venu de la jungle, que j’étais un chimpanzé à qui on avait appris à porter des gants. Ce genre de commentaires me fait mal. J’ai toujours vécu dans les grandes villes. Je n’ai jamais vu la jungle.
Son combat contre Georges Carpentier restera dans les annales de l’histoire de la boxe. Peu de temps avant le combat, la peau de Battling Siki ne se vendait pas à très bas prix. Paris Match écrit : le problème est de savoir si un Blanc vaut deux Noirs – comme pour les notes de musique.
Siki va vaincre Carpentier, mais celui-ci accuse Siki de l’avoir fait un croc-en-jambe. L’arbitre consulte les autres juges et annonce que Siki est disqualifié. Georges Carpentier est déclaré vainqueur. C’est alors que se produit un événement sans précédent dans l’histoire de la boxe. Les cinquante mille spectateurs du Buffalo Stadium se mettent à scander (Siki vainqueur ! Siki vainqueur). « Les juges se réunissent pour discuter pendant une quinzaine de minutes, puis l’arbitre s’approche de Siki, l’amène au centre du ring et lève le bras en signe de victoire sous les acclamations du public; Battling Siki devient champion de France, d’Europe et du monde à la fois ».
Quelques semaines après sa victoire contre Carpentier, sans combat, Siki se voit déchu de ses titres et de l’intégralité de son palmarès. Son permis lui est retiré sous le prétexte honteux et raciste de mauvaise conduite, trébuchement, rébellion. Il y a quelque chose de bien plus grave que de truquer un événement sportif. Il y a un symptôme caractéristique de la campagne organisée contre les hommes de couleur, c’est le symbole même du colonialisme.
Carpentier, sorte de drapeau national, ne pouvait sans danger être battu par un Nègre. S’il était battu, le Nègre devait être puni. Nous ne l’avons pas manqué. Observera Paul Vaillant-Couturier, dans l’Humanité. Battling Siki a longtemps été mis au ban de la fédération française de boxe qui a tenté de trouver tous les moyens pour lui retirer ses titres parce qu’il était Noir/Africain.
Comprenant qu’il n’a pas d’avenir en France, Battling Siki s’envole pour les États-Unis où la presse l’attaque encore plus violemment. Cependant, Battling Siki ne recule pas et livre coup pour coup : vous avez une statue à New York et vous l’appelez Liberté, mais c’est un mensonge. Il n’y a pas de liberté ici – il n’y en a pas ! Aucun ! Du moins pas pour moi, déclara-t-il publiquement en 1923.
Provoquant les autorités, il se promène à Broadway en cape Noire, un singe sur l’épaule, comme il se promenait à Paris deux ans plus tôt, tenant en laisse des lionceaux. Le 15 décembre 1925, le corps sans vie d’un colosse Noir est retrouvé au pied d’un immeuble de la 41e rue, dans le quartier de Hell’s Kitchen à New York. Ce jeune homme a reçu deux balles dans le dos, tirées à bout portant. Il n’a que 28 ans. Le colosse Noir dont le corps gît au sol n’est autre que M’Barick Fall alias Battling Siki.
Dans les années vingt et trente, Hô Chi Minh, Paul Vaillant Couturier, Hemingway et Henry Miller écrivirent sur lui, exaltant ses prouesses. Fernandez Mell, lieutenant de Che Guevara, lui a rendu hommage en prenant (Battle Siki) comme nom de guerre, en se cachant.